→ CINÉMA

DURAK, EXCELLENTISSIME!

Affiche Durak 280 394

800 habitants d'un immeuble en danger... Dima, fouille-merde ou "Juste"?

 


DURAK, UN FILM DE  YURI BYKOV

Texte: Valérie Lobsiger


Le film a été trois fois primé à Locarno... et on comprend pourquoi!

Le Durak est un jeu russe.... mais qui ressemble à ce qui se joue dans le monde entier.

Sur les écrans alémaniques dès le 8 Janvier 2015


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DIMITRI EST-IL IDIOT ? Pourquoi ce jeune plombier (joué par Artem Bystrov, Léopard d’argent du meilleur acteur au dernier festival de Locarno) se permet-il de déranger en pleine nuit la mairesse Nina Galaganova (Nataliya Surkova)? Celle que ses administrés surnomment affectueusement «Mama» fête en effet ses 50 ans dans l’unique hôtel palace de la petite ville russe sans nom qu’elle administre et ne souhaite sûrement pas se pencher sur les misères du bas peuple ce soir-là, d’autant qu’elle-même a eu bien du mal à s’en extraire en s’élevant dans une carrière politique pleine de compromis… Ce qui pousse Dima à court-circuiter sa hiérarchie et forcer la porte des autorités pour les alerter coûte que coûte, c’est «seulement» sa conscience. Plombier de service, il a été appelé pour une banale rupture de tuyau dans un immeuble-dortoir en état de vétusté avancé quand, à cette occasion, il a découvert une fissure qui grimpe tout le long du mur du bâtiment insalubre.

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Le mur penche, menaçant de s’écrouler dans les prochaines 24 heures. C’est rien de moins que la vie des 800 habitants de l’immeuble qui est en danger… Or, dans les caisses publiques, il n’y a plus d’argent pour reloger les gens, tous les élus l’ayant dépensé à des fins personnelles. Dima, traité de «fouille-merde», est voué aux gémonies. On assiste dès lors médusé, non à une course contre la montre pour sauver de pauvres hères, mais à une véritable partie de mistigri: qui portera la faute de la catastrophe annoncée que personne, mais absolument personne, ne songe à éviter?

LE DURAK EST UN JEU RUSSE où il faut se débarrasser au plus vite de toutes ses cartes, celui qui perd étant celui auquel elles restent toutes en fin de partie. Par cette métaphore illustrée avec brio et sur le mode d’un compte à rebours palpitant, on comprend qu’en Russie, chacun rêve d’accéder à un peu de pouvoir afin de détourner à son profit une part du gâteau, à savoir les fonds publics. Le but du jeu consistant à garder une façade de respectabilité tout en essayant de trouver un bouc émissaire pour les dysfonctionnements immanquablement engendrés. Cette critique de la classe dirigeante russe fait froid dans le dos. Oui, il reste quelques «Justes» mais personne ne les entend, ni les nantis, ni les démunis. Les inégalités sociales ont beau être flagrantes, l’abrutissement du peuple maintenu sous le joug de l’ignorance et de l’avilissement à coups de gnole et de torgnoles d’un côté et, de l’autre, la convoitise des plus couards néanmoins fort débrouillards, dresse un tableau très noir d’une société qui semble avoir abandonné tout espoir de révolte.