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LOVELING

Affiche LOVELING

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LE PASSAGE À L'ÂGE ADULTE...

Texte: Valérie Lobsiger


Le passage à l’âge adulte, une séparation parfois plus difficile pour les parents que pour les enfants

LOVELING (BENZINHO), un film de Gustave Pizzi (Brésil, 2017, 95')

Sur les écrans suisses alémaniques à partir du 20 décembre 2018

Au Lunchkino, à Zurich, du 13 au 19 décembre 2019, au cinéma Arthouse Le Paris
Le jeudi 13 en présence du réalisateur Gustavo Pizzi


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MON ENFANT VA-T-IL REUSSIR A SE DEBROUILLER SANS MOI ? Cette question, toute mère se la pose, partagée entre la fierté qu’il ait trouvé sa voie, l’angoisse qu’il tombe sur des gens qui pourraient abuser de son manque d’expérience et la tristesse de le voir quitter, parfois plus tôt que prévu, le cocon. C’est ce qui arrive à Irene (Karine Teles, au regard incroyablement expressif), mère de quatre garçons dont Fernando (Konstantinos Sarris), 17 ans, est l’aîné. Ce dernier, doué pour le handball, se voit proposer un contrat en Allemagne. Tout va alors très vite. Klaus, le père (Otávio Müller), libraire contraint de fermer boutique face à la concurrence d’Internet, se trouve débordé par la paperasserie, mais dépasse tous les obstacles par amour du fils, même si on comprend que la bureaucratie lui a coûté cher en pots de vin: lettre de demande d’émancipation aux autorités, visa, etc. Irene, au contraire, aimerait prendre le temps de se retourner, ne serait-ce que pour s’assurer que Fernando s’engage bien là dans une voie sérieuse. Seulement voilà, son fils ne partira pas à la rentrée prochaine, c’est dans 20 jours qu’il s’envole! Comment va-t-elle réagir face à cela? C’est là tout le sujet du film.

ON SE PREND TRÈS VITE D’AFFECTION POUR CETTE FAMILLE chaotique, tirant le diable par la queue (la maison est tellement délabrée qu’on prend l’habitude de sortir par la fenêtre!), gueulant pour un oui ou pour un non, mais solidaire, rayonnante, cimentée par l’amour. Irene obtient un diplôme dans l’espoir de décrocher un emploi qui lui permettra de ramener de l’argent à la maison. Las, elle n’obtient qu’une place incertaine à salaire horaire minimum et emploi du temps fluctuant dans une misérable fabrique de tissus récemment cédée à des Chinois… La scène où elle passe chez une ancienne employeuse pour l’inviter à sa fête de remise de diplômes est édifiante. La patronne, collier de perles au cou, est écrasante de mépris. Notre cœur se fend quand Irene lui remet encore un coûteux cadeau. Pourquoi les pauvres se sentent-ils tenus de s’excuser d’être pauvres? On comprend qu’au Brésil, le fossé qui sépare les classes sociales est infranchissable et que les travailleurs (ceux qui ne possèdent que leur force de travail) rament pour survivre. Ce film dresse en toile de fond un tableau de l’état économique et social du Brésil où, là comme ailleurs, on a l’impression que tout repose sur les épaules des femmes. De l’épouse battue (Sonia, la sœur d’Irene) à la mère de famille débrouillarde qui galère pour trouver des petits boulots, ce sont des femmes généreuses, pleines de ressources et non larmoyantes. On salue les trouvailles cinématographiques du réalisateur, aussi bien quant au traitement du son (le bruit du robinet avant qu’il n’éclate, le hard rock que la mère hurle, écouteurs sur la tête, bande-son coupée) ou de l’image (flashbacks nostalgiques regorgeant de lumière dans la tête d’Irene; vue d’en haut d’une bouée sur laquelle Irene et son fils lové contre elle, dérivent paisiblement).

VL 23.11.18