→ CINÉMA

PARIS EST À NOUS

jonone1 280Un film générationnel?

 

 


ANNA - UNE ACTRICE DU THÉÂTRE DU MONDE

Critique: Sophie Hochuli


Nous avons demandé à des étudiant-e-s de l'Université de Zurich de nous envoyer des textes sur des films ou des séries qui les intéressent.

Voici le second texte reçu!

«Paris est à nous» est disponible sur Netflix. Un film d'Élisabeth Vogler. Avec dans le rôle principal d'Anna: Noémie Schmidt et de Greg: Grégoire Isvarine.

Il a été tourné entre 2014 et 2017, sans autorisation avec des images documentaires de Paris après les attentats ou des Nuits debouts. 


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UN FILM AU FINANCEMENT PARTICIPATIF
Ce film à la plume documentariste a été réalisé sur 3 ans à l’aide de ressources financières récoltées via crowdfunding. Celui-ci ayant dépassé son objectif initialement prévu a par la suite été catapulté dans les loges de la production Original Netlfix. Le public - devenu grand public - tout curieux de cette nouvelle création qui déclare avoir pour but de dépasser les frontières du cinéma classique, réagit de manière divergente.

Ceci est une tentative de mise en forme honnête de mes sentiments vis-à-vis de cette œuvre, loin de la critique médiatique, et une tentative de poser des mots sur le ressenti immédiat que provoque l’imagerie ainsi que la narration de cette histoire.

C'EST QUOI LA VIE?
Les dialogues peuvent paraître vains, incohérents, banals; ce n’est pas pour autant que ce film ne creuse pas. C’est, au contraire, le questionnement profond du sens de notre existence dans le monde, vécu dans la peau de la protagoniste Anna.
Dès le début, la question de la réalité est posée. Évoquée par ses souvenirs d’enfance, la question de la simulation du monde, d’un monde virtuel, d’une sorte de grand théâtre est posée, et plusieurs scènes récurrentes tentent d’illustrer concrètement cette question: Sarah habillée en noir avec une perruque blanche dans une salle de théâtre vide, le voile qui sépare cette pièce de sa réalité personnelle, l’insistance sur le fait que toutes ces perceptions extérieures soient incarnées dans son seul et unique corps, celui-ci toujours en état de prévoyance. Le fait que la narratrice se languit de ces sentiments forts et extérieurs à elle pour pouvoir vivre - tout en sachant qu’ils sont et seront passagers. Ce sont des propos qui seront confirmés par un personnage extérieur à la vie sentimentale de la protagoniste: le monsieur dans le cimetière de Gentilly s'exclamant «C’est comme si vous étiez hors de ce monde».

ÉPICENTRE
Il y a une sorte de suprématie des ressentis et des impressions de la vie, c’est un film qui vit et qui ressent avec comme point de repère un personnage torturé par les sentiments de sa vie. Ce personnage vient même à s’auto-déclarer «force centrifuge dont elle est l’épicentre», une image qui se concerte sur le plan visuel par l’insertion d’un plan récurrent: celui d’une partie d’un mur intérieur de ce qui pourrait être une basilique, ce plan en mouvement de rotation, comme si le point de vue de cette perspective était, encore une fois, le personnage en tant qu’épicentre de ce mouvement.

L'AMOUR, FORCE CRÉATRICE?
Tout cela vient pourtant à l’encontre de la vie à Paris; une vie tourmentée par de nombreuses insécurités et des vacarmes politiques, mis en avant par des plans tout à fait silencieux divaguant le regard dans les rues agitées de Paris. «Même si cette ville est entre nous» sera la déclaration de la protagoniste recherchant le sentiment d’amour comme seul secours dans ce monde en destruction. Un amour échoué au sein d’une relation turbulente. C’est pourquoi la narratrice, devenant protagoniste au courant des dernières quelques scènes en adoptant le point de vue intradiégiétique, se bat pour «garder le monde en nous». Elle essaye de tirer toute l’énergie des forces destructrices qui nous entourent pour en créer quelque chose de plus fort et ne cesse de croire en l’amour comme force créatrice.

Anna est non seulement actrice dans ce film, elle est également actrice d’un théâtre qui se nomme le monde.

(Sophie Hochuli - 28 mars 2020)