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MASTER CHENG
Sirkka goûte la soupe que Matser Cheng lui a concocté contre le mal de ventre...
UN RÉGAL POUR LES YEUX ET POUR L'ÂME
Texte: Valérie Lobsiger
MASTER CHENG, de Mika Kaurismäki (Finlande, 2019, 114 mn), à partir du 20 août sur les écrans suisses alémaniques.
UN FILM QUI DÉPAYSE EN MÊME TEMPS QU’IL RAPPROCHE. On ne peut pas imaginer deux pays plus éloignés que la Chine et la Finlande. En termes de paysages, mais aussi de culture. D’un côté un Chinois, Cheng (Pak Hon Chu) timide, réservé, soucieux de politesse. De l’autre, une Lapone, Sirkka (Anna-Maija Toukko), joyeuse, spontanée, directe. Et pourtant, c’est l’empathie et le respect au premier regard. Mais reprenons. Flanqué de son gamin Nunjo (Lucas Hsuan), Cheng débarque un beau jour dans un restaurant du bout du monde, à la recherche d’un certain Fongtron. Sirkka, la jolie patronne, leur sert à la louche de la purée et de la viande en sauce. Le gosse grimace et se plonge dans les jeux de son téléphone. Cheng s’enquiert d’un hôtel mais il n’y en a pas à moins de 40 km. Sirkka, qui a bon cœur, leur propose alors une chambre modeste sur la lande. Un car de touristes chinois ne tarde pas à changer la donne. Cheng, cuisinier hors pair à Shangaï, propose de passer aux fourneaux pour faire face à la nouvelle demande. Du jour au lendemain, les clients affluent. D’abord les touristes, puis les locaux, dont la curiosité finit par l’emporter sur la méfiance («ça a l’air gluant, un homme blanc hétérosexuel ne mange pas ça», s’exclame l’un des deux vieux piliers de bistrot). Pour finir pourtant, tout le village y viendra, de l’école à la maison de retraite.
LA NOURRITURE, CETTE QUÊTE DE BIEN-ÊTRE. «Good food make happy». Ça a l’air d’une formule à l’emporte-pièce et pourtant. La médecine traditionnelle chinoise accorde une grande importance à l’alimentation où la température d’un aliment et son appartenance aux cinq notes aromatiques de base (l’amertume, l’acidité, le sucré, le piquant et le salé, dont chaque repas devrait contenir un élément) jouent un rôle primordial. Elle considère que le corps tire son énergie vitale de ce qu’il ingère. Pour peu que l’équilibre entre corps et énergie soit rompu, les maladies apparaissent. Cheng sait qu’on peut rétablir cet équilibre grâce à des aliments précis. Ainsi, il prépare une soupe à Sirkka qui souffre de ses menstruations et bientôt, ce sont les autres femmes du village qui la lui réclament, achevant de lui faire gagner confiance et sympathie. Chen en connaît un rayon, c’est un magicien. Et, en ce qui concerne les intolérances alimentaires occidentales, pas de gluten dans les nouilles de riz, pas de lait dans les préparations et par contre, beaucoup de légumes! précise-t-il.
PARFOIS L’ESPOIR ET LA SANTÉ VONT DE PAIR. Chen semble obsédé par son mystérieux Fongtron. Quand les autochtones comprennent enfin de qui il parle (un certain Forsström!!!), c’est pour lui annoncer que celui-ci est mort. Le père et l’enfant font alors leurs bagages, sans penser à l’embarras dans lequel ils plongent Sirkka. Surtout que bientôt, c’est un autre sentiment plus doux qui éclot. Fongtron n’a été qu’un instrument pour pousser Chen au changement. Un renouvellement dont Cheng avait bien besoin après le décès de sa femme. Cela l’a conduit vers d’autres cieux. Et quels cieux! On apprécie les images et la musique des dernières scènes filmées sur le lac, dans la lumière d’un soleil de minuit. Un pur enchantement.
VL 5.07.20