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56ÈMES JOURNÉES DE SOLEURE

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jonone2 280Que disent et que font les neurosciences?

jonone3 280Un récit glaçant... que ne fait-on pas au nom de la religion?
lovecutDes histoires d'amour qui accrochent...
we come into life 280
«We come into life»: Frère et soeur à Hanoï
zurcher tagebuchUn essai personnel sur Zurich, la crise financière, la grève des femmes etc. qui donne la parole à de nombreuses personnalités zurichoises.
farewellDésastre familial des Bahamas à la Suisse!
kombinat afficheQuel avenir dans cette ville russe marquée par l'industrie métallurgique?


LES TROIS PREMIERS JOURS...

Texte: Valérie Valkanap


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Cinéphiles de tous les pays, c'est le moment de se pencher à la fenêtre du monde (pour seulement dix francs par film)!

A part le film d'ouverture ATLAS, de NICCOLÒ CASTELLI (une fiction sur la reconstruction d'une jeune femme victime d'un attentat terroriste) qui l'a laissée de marbre, Valérie Valkanap a vu, jusqu'à présent et pour Aux Arts, HUIT FILMS DE TOUT PREMIER ORDRE.

KOMBINAT, un documentaire de GABRIEL TEJEDOR sur la vie dans une petite ville russe où règne, en pourvoyeuse de travail, une grosse usine métallurgique. Dans un paysage de cheminées jour et nuit en combustion et de carrières dévorant tout le vert des collines, la nature, endommagée, rayonne d'une sinistre beauté. Tel le Minotaure, la bête Kombinat réclame régulièrement son tribut à la ville. La caméra, empathique, pose son regard sur les jeunes. Quel avenir leur réserve le monstre? Sont-ils condamnés à monter sur scène pour les spectacles organisés régulièrement par Kombinat avant de se faire avaler à leur tour?

WE COME INTO LIFE, fiction de SIU PHAM, se déroule à Hanoï. Un frère et une sœur se retrouvent orphelins après que le train (dont les rails se fraient un chemin dans les entrailles de la ville), a emporté leurs parents à trois jours d'intervalle. Leur absence est subtilement évoquée par la caméra et le silence des deux jeunes gens plantés hébétés devant la télé est éloquent. Mais ils doivent sortir de leur léthargie pour survivre. La fille se fait engager par un salon de coiffure («si ce n'était pour manger, je ne plairais à personne»), le garçon par une vieille aveugle musicienne vivant dans une villa isolée gagnée par la végétation. L'aveugle, méditative, écoute les bruits de la ville sur une tablette «pour voir où va le monde». Le frère se laissera-t-il influencer par la sœur, se laisseront-ils gagner par la facilité et voleront-ils l'argent de la vieille artiste? Ici le smog est omniprésent, la circulation anarchique et la ligne de métro aérienne, symbole d'un avenir sombre, ne mène nulle part. On retient son souffle jusqu'à la fin.

CROQUE-MORT AU FÉMININ, documentaire de MARC WOLFENSBERGER et MARCEL SCHÜPBACH est tout aussi passionnant. Où l'on découvre que les femmes semblent prendre soin des morts avec autant de sensibilité que s'ils étaient encore vivants. Auraient-elles introduit plus de légèreté dans ce milieu réputé très conservateur? Comme dit Nathalie, préparatrice de corps, «dans ce métier, tout est valorisant, on ne peut faire que du bien». En étant sincère, en étant soi-même sans tabou, on peut aider l'entourage jusque et y compris au seuil de la mort.

HEXENKINDER, un documentaire de EDWIN BEELER, parle de ces enfants retirés à leur famille et placés dans des instituts religieux catholiques, pour leur bien-être et la sauvegarde de leur âme, jusqu'au début des années 60 en Suisse. On l'on découvre, stupéfait, comment les punitions corporelles (coups, bains d'ortie, douche glacée, privation de nourriture etc.) étaient la norme au nom d'un dieu tout puissant. Les enfants devenus adultes racontent face à la caméra ce qu'ils ont éprouvé et ce dont on les a convaincus à vie. Leur seul tort? Être nés de parents à la vie soi-disant immorale et dissolue. Leur calvaire est mis en parallèle avec des condamnations d'enfants «possédés par le diable» issus d'archives remontant jusqu'au XVIIe siècle. N'oublions pas de garder à l'esprit que de tout temps et au nom de la bien-pensance, l'homme entame volontiers des procès en sorcellerie...

FAREWELL PARADISE, de SONIA WYSS est un documentaire qui là non plus ne laisse pas indifférent. Il raconte comment une famille de quatre enfants qui vivait insouciante aux Bahamas dans les années 60, est rentrée de toute urgence et en plein hiver en Suisse, se retrouvant dans des conditions de vie plus que précaires. La cinéaste, dernière de la tribu, tente de briser le silence. Elle interroge un à un et à tour de rôle ses parents et ses sœurs et l'ampleur du désastre ne tarde pas à apparaître. L'égoïsme de certains êtres n'a pas fini de nous estomaquer. Où l'on se voit confirmé que la famille peut être le lieu le plus insécure qu'il soit quand la base manque.

En tant que première œuvre cinématographique de fiction, LOVECUT, d'ILIANA ESTANOL et JOHANNA LIETHA tape dans le mille. Trois jeunes filles mineures s'embarquent dans des histoires d'amour où les relations se nouent communément sur le Net. L'intrigue accroche, l'impression de réalité sans filtre est bluffante. Où l'on constate que les filles n'ont pas toutes le beau rôle, loin de là, et pourtant, c'est de sentiments sincères, bien plus que de sexe, dont elles étaient au départ avides. A méditer...

On attendait avec impatience ZÜRCHER TAGEBUCH, documentaire de STEPHAN HAUPT, auteur du fameux Zwingli au succès retentissant. Le cinéaste bat sa coulpe et peut parfois indisposer. Mais il a le mérite de poser de bonnes questions, telles celles-ci: «à partir de quand les gens deviennent-ils des étrangers dont je ne dois plus m'occuper?» «Suis-je aux commande de ma propre vie?» Il montre comment les notifications push (qu'il suffirait de désactiver) contribuent au climat anxiogène de notre société et à notre sentiment d'impuissance. Comment notre capacité d'attention, qu'il serait capital de préserver, est au contraire tout entière absorbée par des futilités, encouragée par le consumérisme. Il s'attarde sur la complexité du monde immobilier et financier en dénonçant la privatisation des gains mais pas celle des pertes. On apprécie les remarques du fils qui remet son cinéaste de père à sa place en lui faisant observer que nos attentes d'un monde où tout doit s'arranger et où chacun a sa place sont illusoires. Zurich, ville de bobos bien-pensants?

On attendait également avec impatience THE BRAIN, le dernier documentaire de JEAN-STÉPHANE BRON, dont on avait apprécié «L'Opéra de Paris» ou encore «L'Expérience Blocher». On n'a pas été déçu. Ses «Cinq nouvelles du cerveau» glacent. Sous couvert de curiosité pour le fonctionnement de notre cerveau (un réseau de plus de 70 milliards de neurones), des savants, obsédés par l'idée de dépasser l'intelligence humaine, mettent en formules mathématiques nos comportements dans l'intention de les reproduire dans un ordinateur. Certains sont convaincus qu'on sera bientôt capables de dépasser l'intelligence humaine, en plus de parfaitement reproduire nos émotions et notre conscience. Dans quel but? Aider un paralytique oui, faire de nous des marionnettes, non. (On frémit à ce que ferait Poutine de Nalvany s'il maitrisait cette science). Alexandre Pouget ne voit pas pourquoi on devrait «freiner l'évolution». Pour lui, il s'agit juste de «la nature à l'œuvre». Au secours, tous ces scientifiques observent le monde derrière des jumelles artificielles et passent à côté de l'essentiel: ce qui fait notre bonheur justement parce qu'il nous échappe. Gageons que la nature ne se laissera pas modéliser.

23/02/2021