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LE NOUVEL ÉVANGILE

affiche Nouvel Evangile

jonone2 280Les apôtres

jonone3 280Yvan Sagnet en Jésus rassembleur
Evangile Ponce PilatePonce Pilate (Simon de Cyrène, un des rares acteurs professionnels du film)


APPORTER UN PEU D'HUMANITÉ À LA POLITIQUE D'ACCUEIL DES MIGRANTS

Texte: Valérie Valkanap


Le Nouvel Evangile, de Milo Rau (Allemagne, Suisse & Italie, 107 mn, 2020)

Prix du cinéma suisse du meilleur documentaire 2021

Sortie du film en ligne le 1er avril 2021 en ligne: sur: https://lenouvelevangile-film.ch/

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Le 9 avril à 20h: le Kosmos à Zurich par exemple  organise une discussion avec le réalisateur.


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INCLURE AUTOUR D’UN PROJET CINÉMATOGRAPHIQUE, quoi de plus mobilisateur? Le cinéaste Milo Rau, dont on avait apprécié Le Tribunal sur le Congo (2017), reprend le même procédé consistant à mettre les déshérités sous le feu de ses projecteurs, histoire d’impliquer tous les acteurs du drame. Alors qu’il filmait, à la barre d’un tribunal monté de toute pièces, les témoignages de victimes de crimes impunis, il installe aujourd’hui son équipe de tournage au sud de l’Italie, à Matera. Là où 500'000 migrants, rescapés d’une traversée de la Méditerranée, vivent sans toit ni soins médicaux, travaillant dans les champs de tomates pour 5 euros de l’heure (l’été, mais l’hiver? interroge le principal intervenant). Là où Pier Paolo Passolini avait tourné en 1964 son Évangile selon Saint Matthieu (dont de brefs extraits sont montrés). Là où des touristes affluent par milliers (Matera a été élue capitale européenne de la culture en 2019). On les voit d’ailleurs dégainer leur portable lors de la mise en croix…

Signe des temps, son Jésus est noir. Il s’appelle Yvan Sagnet, il est camerounais et se bat pour les droits des réfugiés. Milo Rau le filme aussi bien dans son rôle de messie (comme dans le genre docudrama à la mode chez les Anglais et les Américains, on ne verra que les scènes «cultes»), que lorsqu’il incite les migrants, poing levé, à mener avec lui la «révolte de la dignité». Même si l’idée de revisiter ce thème biblique à l’ère du vingt-et-unième siècle est tout à fait percutante, «Le Nouvel Évangile» n’est qu’un prétexte. Le «making of» en est le véritable sujet, avec ce qu’il révèle de souffrances actuelles et d’aberrations dans l’accueil, ou plutôt l’absence d’accueil, de l’étranger.

LES COULISSES DU TOURNAGE INTERPELLENT. Si on voit Jésus se rendre dans les camps (inofficiels) de réfugiés et demander qui veut le suivre (applaudissons au passage à la beauté des visages, ainsi qu’à l’esthétique de «tableaux» intemporels tournés avec les apôtres, hommes ou femmes, chrétiens ou musulmans), on assiste au recrutement des figurants par Milo Rau et son équipe. «Quelles sont tes motivations pour jouer?» interrogent-ils. On assiste alors, médusés, à … la perte de dignité des postulants prêts à tout pour quelques secondes de postérité.

Une femme s’attendrit sur un de ses gribouillages de l’école primaire censé prouver sa vocation à venir au secours de «l’Afrique» dans sa globalité. Un type vante ses photos de VIP à l’aéroport (on ne voit pas le rapport), un autre raconte qu’il a joué dans 007…

La scène la plus forte est sans conteste celle où l’on assiste à un passage à tabac qu’un volontaire mime contre une chaise (noire) avec un acharnement troublant. Ses gestes et ses mots, d’une rare violence, font frémir.
Catharsis ou réelle prestation d’acteur? Le doute est permis. En tout cas, tous seront recrutés, car tous ont un rôle à jouer dans ce film, même à leur insu, et c’est là toute l’intelligence de l’œuvre.

Durant le chemin de croix, le syndicaliste offrira à boire à Jésus et le maire portera un moment pour lui sa croix. A l’issue du tournage, des «maisons de la dignité» seront construites pour venir en aide aux migrants, cela avec l’aide de l’église catholique.

Pure merveille, la musique du film (chansons de Vinicio Capossela sur des paroles d’Enzo Del Re, trio en mi bémol majeur de Schubert, Stabat Mater de Pergolesi…) joue sa part dans cette Passion du Christ œuvrant à la compassion.

Valérie Valkanap 30.03.2021