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«L'ÉTERNEL FIANCÉ» D'AGNÈS DESARTHE

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Ecouter l'interview de l'auteure sur la rts: https://www.rts.ch/info/culture/livres/12474850-leternel-fiance-dagnes-desarthe-ou-lhomme-da-cote.html 

 


«ON NE VA NULLE PART ET ON Y VA TRÈS VITE... »

Texte: Laurence Hainault Aggeler


«On ne va nulle part et on y va très vite…comment affronter la vie?»

Agnès Desarthe «L’éternel fiancé»

C'est un des livres qui est sur la liste du Prix Goncourt 2021. Peut-être en sera-t-il question le mercredi 27 octobre à l'ETHZ lors de la discussion: «Les Livres qu'on M - Le Choix Goncourt de la Suisse»?

En savoir plus sur la rencontre du 27 octobre: ici

Lire la critique précédente de Laurence Hainault Aggeler


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UNE DE CES PHRASES QU'ON N'OUBLIE PAS
Le «fiancé» fait une première apparition sous les traits d’un enfant «coiffé de travers» qui déclare: «Je t’aime parce que tu as les yeux ronds». Une de ces phrases qu’on n’oublie pas. Tant elle montre combien l’amour dépend du détail, pour disparaître aussi vite qu’il a surgi. Puis le séducteur revient, et revient, éternellement, mais dans la plus complète ignorance de la passion qu’il a déclenchée.

CONTINUER À VIVRE
Ce retour récurrent d’un garçon idéalisé constitue la trame d’un roman mélodique. Tel un disque dont les morceaux passent d’un sillon à l’autre. L’édition de l’Olivier n’aurait pu choisir de meilleure couverture, avec ces danseurs minuscules incapables de stopper la platine, condamnés à l’expression d’une joie en mouvement. La musique s’avère omniprésente, chacun ou presque en subissant l’influence. Et les portraits s’emboitent jusqu’à saturation.

UNE ENFANCE CASANIÈRE
L’héroïne est entourée d’une mère frustrée, puis libérée, d’un père solitaire puis aigri, de sœurs attentives. Au lycée, elle rencontre deux vedettes : Martin premier de classe, nanti de tous les atouts, Etienne, blotti dans l’ombre de son frère, charmeur maladroit, vrai héro de l’histoire, le fiancé. Se succèdent la déception amoureuse, la maladie, les conflits adolescents, bref les épisodes classiques d’un premier tiers d’une existence qui le sera beaucoup moins.

UN MODE DE VIE INÉDIT
La maturité mélancolique se décline au gré des compromissions, des échecs et des douleurs irrévocables. Le destin de la narratrice, mariée à un gentil qui lui laisse toute liberté, cède la place au récit d’une passion solaire entre Etienne et Antonia. Mais très vite, la mort de sa femme plonge le jeune homme dans le désespoir. En perte totale de repères, il saisit la première occasion de gagner de l’argent et s’engage dans un mode de vie stigmatisé, mais décrit ici avec grande douceur.

LES DESTINS CABOSSÉS
La belle écriture lapidaire d’Agnès Desarthe se joue des formules à l’emporte-pièce. Grâce au style direct, le récit gagne en vivacité. Cependant, tout ralentit en fin de roman. L’amour entre une arrière-grand-mère et sa petite fille, la réconciliation des destins cabossés paraissent improbables. Le rêve a-t-il pris le pas sur la réalité?

L.H.A. 11/10/2021