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DHEEPAN

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DHEEPAN 

Texte Valérie Lobsiger


UN FILM DE JACQUES AUDIARD

AU XENIX À ZURICH:

Le jeudi 23 décembre 2021 à 18h
Le samedi 25 décembre 2021  à 18h30
Le dimanche 26 décembre 2021 à 21h

Dans le cadre de la rétrospective des films de Jacques Audiard au Xenix en décembre 2021

PALME D'OR DU FESTIVAL DE CANNES 2015


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IL Y A CEUX QUI S’ACCROCHENT POUR SURVIVRE et dont chaque jour est une lutte, tel Dheepan (Antonythasan Jesuthasan), réfugié politique en France, à la fin de la guerre civile au Sri Lanka. Membre de l’organisation indépendantiste des Tigres tamouls, il a fui les représailles. Pour mettre les chances de son côté, il a pris les papiers d’identité d’une famille décimée et a embarqué sans les connaître une fausse épouse, Yalini (Kalieaswari Srinivasan) et une prétendue fille, Illayaal (Claudine Vinasithamby). Leur plus grand vœu à tous les trois: travailler et vivre comme tout le monde, sans s’attirer d’ennuis ni se faire remarquer.

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Une étrange tension s’instaure dès les premières images, due au secret qui les unit tous les trois. Rien de plus solitaires que les membres de cette famille-là. L’homme regarde la femme sortir de la douche sans pouvoir la prendre dans ses bras. Il a besoin de la fille pour traduire ce qu’on lui dit. La fille aimerait des amies à l’école (elle est rejetée par ses camarades) et un peu de tendresse à la maison mais n’en reçoit pas. Si son «père» lui demande un baiser, c’est juste pour avoir l’air en public d’une famille normale; il semble en tout cas plus concerné par le sort de «sa fille» que la «mère», il s’en désintéresse complètement et la bat même à l’occasion. Enfin, cette dernière n’a qu’un désir: rejoindre sa famille en Angleterre, mais elle dépend en tout de Dheepan et ne ressent pas pour lui la moindre affinité («même en tamoul, t’es pas drôle» lui reproche-t-elle). On se demande bien si la force de l’habitude va réussir à les rassembler (comme par exemple ce soir où la femme rentre: l’ambiance est détendue,  père et fille» jouent à se parler en français et elle –même se laisse aller à un geste tendre) ou si au contraire, les épreuves de la vie vont les éloigner. 

 

POUR REUSSIR SON INTEGRATION, il faut commencer par apprendre le français. C’est ce que recommande Dheepan à Illayaal, qui ne parle pas encore un mot. Il faut aussi faire preuve d’efforts et de bonne volonté, mais cela ne suffit de loin pas. Après avoir vivoté un temps de ventes à la sauvette, Dheepan se voit offrir un poste de gardien d’immeuble dans une banlieue défavorisée. Ils emménagent pleins d’espoir dans un logement à la limite de l’insalubrité. Quand ils convertissent le salaire de Dheepan en roupies, cela leur paraît une fortune mais hélas, c’est peu et Illayaal doit trouver une nouvelle source de revenus. Un petit chef de clan du coin lui offre providentiellement de s’occuper de son oncle et de ses repas, ce dont elle s’acquitte en toute discrétion, à la grande satisfaction du mafieux. Pour avoir le job, juste une contrainte: porter le foulard. «C’est pas ma religion» se rebiffe-t-elle avant de se conformer aux usages du coin. On aime la scène où la femme explique dans sa langue au chef, qui bien sûr n’y comprend rien, que dans sa culture, plus on est désespéré, plus on sourit parce qu’on reste en toute occasion pudique et digne. Dheepan, débrouillard et travailleur, fait de son mieux dans son travail, mais c’est compter sans les voyous du coin qui se réunissent le soir et dont on sent sourdre la violence. Violence dont il ne voulait plus jamais entendre parler et qui ne va pas tarder à éclater et l’impliquer, bien malgré lui. On craint qu’il ne retombe dans les pattes de la mafia tamoule et ne se fasse rançonner quand, au cours d’une belle fête religieuse rassemblant la communauté sri lankaise, il tombe sur un de ses anciens colonels. Même si le film se clôture sur un happy end suggéré, on n’y croit malheureusement pas. Tout le reste sonnait trop vrai.

 VL 13.10.15 . Remis en ligne le 29 novembre 2021