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«COMME NOUS EXISTONS»

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UN RÉCIT INTIMISTE ET TENDRE AU MESSAGE PERCUTANT

Texte: Laurence Hainault Aggeler


«COMME NOUS EXISTONS», est paru en août 2021 chez Actes Sud.

À conseiller aussi de Kaoutar Harchi:

«JE N'AI QU'UNE LANGUE ET CE N'EST PAS LA MIENNE» : «Retraçant les carrières de cinq écrivains algériens de langue française (Kateb Yacine, Assia Djebar, Rachid Boudjedra, Kamel Daoud et Boualem Sansal), Kaoutar Harchi révèle que la reconnaissance littéraire accordée aux écrivains étrangers est rarement pleine et entière […] Souvent pensée en termes de talent, de don, de génie, la littérature n’est-elle pas, aussi, une question politique?»

Sur un sujet approchant, à lire aussi le livre de Nedjma Kacimi «SENSIBLE» dont nous avions annoncé la sortie ici et la critique d'Ursula Baehler sur vice-versa ici.


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VERDICT SOCIAL
Ce parcours autobiographique d'une enfant de l’immigration postcoloniale se décline sur le mode de la tendresse, chose assez rare pour être soulignée. Un récit intimiste et confidentiel, jamais larmoyant. Tout sonne juste dans le tableau des rapports de pouvoir et de classe, de genre et de race. Surtout le portrait des parents, Hania et Mohamed, dont les habitudes aimantes, la persévérance et la nostalgie modéraient le quotidien. Leur seule ambition était de voir leur fille accéder à d’autres sphères. Leur but unique consistait à modifier le verdict social qui l’aurait condamnée à mener la même vie qu’eux. Aucun sacrifice ne fut trop grand.

DISCRIMINATION
Mais en éloignant l’enfant de leur quartier et de ses habitants, ils la plongèrent dans la marginalité d’une autre sphère. Elle dut subir le déplacement imposé et progresser au prix d’humiliations fines et douloureuses. Rien de tragique, mais beaucoup de blessures: les remarques insidieuses de ses camarades, de belles jeunes filles blondes aux yeux bleus, l’attitude condescendante de certains professeurs, une violence psychologique collective dont les moments discriminatoires sont relatés avec une dure clairvoyance.

COLÈRE
La parole devient politique lorsqu’elle juge plus tard les brutalités policières envers les jeunes de la cité ou les combats idéologiques relatifs à l’interdiction du port du voile. La romancière exprime sa vraie colère, chose surprenante après la narration pudique de ses propres souffrances. Les épreuves personnelles ont-elles été atténuées par l’amour parental? Ou bien serait-il plus facile de défendre les autres?

VICTOIRE
Après maints compromis et de grands combats et comme il n’était pas question de décevoir ceux qui l’aimaient, la victoire s’est annoncée au bout du chemin. Une réussite un peu différente de celle imaginée par Hania et Mohamed. Cependant leur confiance est entière, leur fille les dépasse. Ils la laisseront s’envoler.

DÉNONCIATION
Kaoutar Harchi ne cède jamais au complexe d’autoflagellation, défaut assez courant quand on a souffert de honte sociale. Elle est au contraire emplie d’espoir, de courage tout en dénonçant les injustices et le racisme. Et sa langue puissamment littéraire rend le message encore plus percutant.

L.H.A 12/01/2022