→ CINÉMA

PETIT PAYS

jonone1 280

 

 


«UN PAYS DE LAIT ET DE MIEL TRANSFORMÉ EN CHARNIER À CIEL OUVERT»

Texte: Laurence Hainault Aggeler


« Petit Pays », un film d’Eric Barbier d’après le livre de Gaël Faye

Le film n'est pas sorti en Suisse alémanique mais on peut le voir sur certaines plate-formes, comme cinefile.ch

C'est l'un des livres adaptés au cinéma dont nous parlerons le 17 mars.


→ PRINT


Le héros, 12 ans, «a demandé à ceux qu’il aime de l’appeler Gaby pour choisir à la place de ceux qui avaient choisi à sa place». Dans ce paradis nommé Burundi, Gabriel (Gaël?) coule un bonheur parfait entre sa famille et une bonne bande de copains.

LES FISSURES
Malheureusement ses parents «avaient confondu le désir et l’amour et comprenaient que chacun avait fabriqué les qualités de l’autre… (En fait), ils n’avaient pas partagé leurs rêves, simplement leurs illusions». Le père se satisfait de sa belle maison, des domestiques, du climat, des affaires florissantes. La mère souffre de l’insécurité dans un pays où elle craint de mourir. Ils s’éloigneront immanquablement. Entre les copains de l’impasse, l’harmonie se disloque également. Certes, il existe une grande fraternité pour faire les 400 coups, voler des mangues et piquer des fous rires interminables au fond d’une vieille combi Volkswagen. Pourtant quelque chose cloche puisqu’on exclut Francis, un gosse des rues, trop fort, trop différent.

LA HAINE
Autour d’eux, les pauvres méprisés hésitent de moins en moins à montrer une vague hostilité. L’atmosphère devient lourde de ressentiments. Les événements politiques se précipitent, la douleur se déclenche. Face-à-face: des soldats hutus d’un côté, la famille tutsie de l’autre. Rien n’arrêtera le génocide, «celui qui a transformé un pays de lait et de miel en un charnier à ciel ouvert».

«LE BONHEUR NE SE VOIT QUE DANS LE RÉTROVISEUR»
«Le jour d’après? Regarde-le. Il est là. À massacrer les espoirs, à rendre l’horizon vain, à froisser les rêves». L’adolescent ne comprend plus. Confus, désorienté, la peur au ventre, il apprivoise l’idée de mourir à tout instant. La violence se rapproche, une journée noire en suit une autre. La bande de copains devient un gang, une meute. «Finalement, un jour, il faut partir, fuir le pays, laisser la porte ouverte sans se retourner».

Avec un mélange de nostalgie poétique et de réalisme cru, Gaël Faye raconte la persécution au rythme de phrases hachées, façon rap, comme dans ses chansons. Eric Barbier multiplie les images chocs: meurtres, persécutions, déchéance. Le lecteur comme le spectateur finissent par plonger en enfer. Les questions restent sans réponses, mais en présentant le côté abject des conflits, la littérature et le cinéma dénoncent l’horreur des guerres et plaident une fois de plus pour la résistance.

L.H.A 07/03/2022