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MIROIRS, REFLETS DE L'ÂME

Museum Rietberg SPIEGEL 24 une couleursA partir de quel âge un enfant se reconnaît-il?
Motif de l'affiche de l'exposition
Photographie: Dan Cermak; Crafft/Claudia Roethlisberger. © Museum Rietberg

Museum Rietberg SPIEGEL 2Le miroir. 1925 Fernand Léger (1881–1955), 1925 Öl auf Leinwand, 91,7 x 65 cm Kunstmuseum Basel, Schenkung Dr. h.c. Raoul La Roche 1963, Inv.Nr. G 1963.11 © 2019, ProLitteris, Zurich

Museum Rietberg SPIEGEL 16Nkisi, Mbula. Congo inférieur, fin du 19ème siècle. 
Holz, pflanzliches Material, Glas, Spiegelglas, Stoff u.a., H. 32 cm Sammlung Naturkundemuseum Stralsund, Inv.-Nr. Maf 32138 © GRASSI Museum für Völkerkunde Leipzig, Staatliche Kunstsammlungen Dresden
Museum Rietberg SPIEGEL 19Narcisse
John Gibson RA (1790 - 1866), 1838 Marmor, 108 x 71 x 48 cm Royal Academy of Arts, Inv-Nr. 03/1918 © Royal Academy of Arts, London; Photo: Paul HighnamSpiegel 105Vue de l'installation «MIROIRS – Reflets de l’être humain» © Museum Rietberg
La craätrice de mode Kazu Huggler met en scène la légende de la déesse du soleil, Amaterasu, au moment où elle sort de sa caverne.


MIROIR, MON BEAU MIROIR!

Texte: Laurence Hainaut Aggeler


Exposition :
«Miroirs. Reflets de l’être humain»
«Spiegel. Der Mensch im Widerschein»

Au Musée Rietberg jusqu’au 22 septembre 2019

En savoir plus:
https://rietberg.ch

C'est la dernière exposition conçue avec beaucoup d'attention et de passion par
Dr. Albert Lutz, l'actuel directeur du Musée Rietberg. Celui-ci prend sa retraite cet automne.

Ici un petit tour en photos de l'expo

Les samedis et dimanche 28/29 juin, c'est la fête de l'été avec un beau programme pour toute la famille: ici


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Première œuvre incontournable: une vidéo sur grand écran nous plonge dans le lieu initial du reflet, les dessous d’un étang, et nous invite à ressentir l’impact des fluidités oniriques. L’allusion se prolonge par un portrait mouvant de personnages multipliés dans la contemplation d’eux-mêmes. Un panneau affiche en parallèle un sonnet d’Ovide tiré des «Métamorphoses». Il évoque l’enfant Narcisse, saisi par son image: «….sans le savoir, il se désire et en louant, il se loue lui-même».

UNE VÉRITABLE PENSÉE ARTISTIQUE
Le style inédit de cette magnifique exposition est lancé. Elle aborde dès l’entrée l’aspect identitaire d’une véritable pensée artistique, déclinée en plus de dix chapitres. La présentation permet ainsi de mêler les époques et de commenter les œuvres plastiques grâce à des extraits de productions écrites ou orales, proposés par les philosophes et les littérateurs. Beaucoup à voir, à écouter, à lire. Un mélange de sensations et de réflexions au sujet de la connaissance de soi, du changement d’identité, du sens des autoportraits. La parole est aussi donnée à «l’être humain». Sur un mur couvert d’écrans, des courts métrages sont projetés: une nonne, un photographe, une ballerine, un coiffeur… parlent de l’image de soi, au physique et au mental.

EN RAPPORT AVEC L'AU-DELÀ
En salle 4, les mythes fondateurs sont introduits. Dans un coin illuminé, la déesse du Soleil japonaise s’impose dans sa modernité. En référence à la surprise légendaire d’Amaterasu devant l’éclat de son propre reflet, la créatrice de mode contemporaine Kazu Huggler place, face au miroir, un mannequin présenté de dos, irradié par une traîne au grand plissé circulaire immaculé. Dans la cinquième partie plus conventionnelle, les objets miroitants se succèdent, innombrables: ceux des Égyptiens datant de trois siècles av. J.-C., ceux de la Grèce antique, ceux des civilisations étrusque, romaine, celte, indienne, turque, chinoise, mexicaine… Certes, les décors précieux, signes de richesse et de prestige, nous racontent l’histoire de chaque contrée, mais tous entretiennent un rapport étroit avec l’au-delà, pour chasser les démons, inspirer l’âme ou refléter les dieux.

VERTU ET MAGIE NOIRE
Puis le déroulement thématique reprend son cours en abordant la symbolique vertueuse puis mystique. Au tournant de la salle 6, les figures féminines des peintres Jules Lefebvre et Frank Cadogan représentent la Vérité, mais aussi la Vanité, toutes deux dotées de miroirs. Au même titre que la Sagesse dans une gravure sur cuivre du seizième siècle, d’après un dessin de Brueghel l’Ancien, «Prudentia». En pur contraste, quelques extraits de films autour du même sujet se liquéfient au fond d’une vasque. Suivent les tableaux évocateurs du jeu des glaces dans la magie noire à l’époque moghole ou les habits des chamanes couverts d’artefacts métalliques.

LE MIROIR, ARME ET OBJET DE SÉDUCTION
En fin de parcours, le miroir devient une arme capable de retenir les puissances hostiles, tels ces fétiches congolais, mais aussi un témoin de la beauté. Les geishas tout comme Vénus n’étaient-elles pas représentées munies de cet attribut essentiel pour préparer la séduction?

UN NARCISSE D'UN GENRE NOUVEAU
Grâce à une œuvre réalisée en 1944 par l’artiste bâlois, Paul Camenish, la visite se termine en boucle fermée. Un Narcisse dénudé contemple inlassablement son corps dans la glace d’une salle de bain, indifférent à la guerre qui fait rage autour de lui. En point d’orgue, l'installation de Li Wei, «Moniteur avec caméra et logiciel intégrés», nous invite à poursuivre la méditation, une fois sortis du musée. Elle démontre que maintenant, tous les événements sont reflétés jusqu’à nous en temps réel par les biais de l’écran. Télévisions, ordinateurs et smartphones nous font vivre dans le miroitement général d’un narcissisme globalisé.

PS: un conseil d’Aux arts etc.:
232 créations, issues d’époques et de provenances très variées, 25 siècles environ d’expression artistique mondiale, 12 thématiques. Cette exposition exceptionnelle très importante peut donner une impression de saturation, car il faut s’imprégner autant de l’écrit que du visuel. N’oubliez pas de prendre le fascicule indispensable proposé à l’entrée. Rédigé en trois langues, dont le français, tous les commentaires historiques, scientifiques ou philosophiques, affichés sur les murs,  y sont reproduits et les œuvres répertoriées et présentées exhaustivement.

(L.H.A 15-06-2019)