→ CINÉMA

PAPICHA

jonone1 280

Papicha Mounia Meddour 04Explosion de joie, Nedjma pète la vie!

jonone3 280Intelligence de la mère qui raconte, accueille et laisse libre

Papicha Mounia Meddour 03Certains jeunes hommes passent leurs journées adossés au mur, à draguer les filles qui passent... Les «hittistes» en Algérois...

Papicha Mounia Meddour 014 copines et un bain de mer



LA FUREUR DE VIVRE DANS LA DÉCENNIE NOIRE

Texte: Sandrine Charlot


Un film de Mounia Meddour, 2019, 105'
En français et arabe mélangé. Une merveille d'agilité linguistique. 

Avec: Lyna Khoudri, Shirine Boutella, Amira Hilda Douaouda, Zahra Doumandji, Yasin Houicha, Nadia Kaci, Meryem Medjkane

Le film est présenté dimanche 6 septembre au Riffraff en avant-première et sort à partir du 10 septembre sur les écrans suisses-allemands.


→ PRINT


Elles sont jeunes, gaies, jolies et elles ont une furieuse envie de vivre comme elles l'entendent. Elles s'appellent Wassila, Kahina, Samira et Nedjma. Cette dernière est la plus insoumise des quatre, la plus rebelle, celle qui refuse de se plier au diktat des femmes en noir,  lorsque celles-ci se font de plus en plus présentes dans la société algérienne. Il faut dire que cela se passe dans les années 1990, la décennie noire de la guerre civile, qui a fait plus de 150 000 morts dans le pays qui a vu la multiplication des groupes islamistes armés.

Pour parler de cette période, la jeune réalisatrice Mounia Meddour a plongé dans ses souvenirs et ses expériences personnelles de pensionnaire de la cité universitaire. Le personnage de Nedjma qu'elle a façonné refuse longtemps de prendre la mesure du danger, elle  veut continuer à pouvoir créer des modèles de vêtements féminins qui mettent le corps en valeur. Un carnet à croquis toujours à portée de main, elle finance ses études de littérature française en vendant sous le manteau des tenues de soirées aux «papichas», ces jeunes femmes d'Alger, libérées et coquettes qui aiment sortir.

Avec l'avancée des islamistes, les affichettes des femmes en noir se font de plus en plus présentes. Elles pénètrent même l'enceinte de la cité universitaire. La vie devient de plus en plus difficile pour Nedjma et ses copines. Même leur complicité et leur amitié risquent d'en être affectées.

RÉSISTANCE
C'est un film terriblement fort, au rythme vif. La caméra suit les personnages, montre la peau, les corps, les cheveux. Il y a une grande sensualité dans les rapports entre les personnages. Si les hommes ne sortent pas grandis de ce film, le personnage de la mère en revanche est central. Il représente la tradition intelligente, une allusion est même faite à la place historique des femmes dans la libération du pays. Ne cachaient-elle pas des armes sous leurs haïks au moment de la décolonisation?

HAÏK 
Au lendemain d'une tragédie familiale, Nedjma transforme son désespoir et sa rage en énergie créatrice. Elle organisera un défilé de mode - dont tous les modèles seront exécutés à partir de la belle étoffe du haïk, claire au regard et douce au toucher. Ce vêtement traditionnel est tout le contraire du niqab importé qui envahit le pays.

Les actrices dégagent une énergie incroyable. La langue qu'elles parlent - ce mélange de français et d'arabe - fait un bien fou à notre oreille et aussi à notre français qui nous apparaît tout à coup assez pantouflard. Nedjma n'est pas Antigone, mais comme dans la tragédie grecque, la mort rôde et la vengeance, aussi. Pour survivre, Nedjma venge sa sœur journaliste, en bravant l'interdit. C'est un film qui secoue!

(SCZ_ 03/09/2020)