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THE EXAM

jonone1 280

jonone2 280 Rojin (Vania Salar)jonone3 280Deux sœurs qui crèvent l'écran. Shilan (Avan Jamal) et Rojin (Vania Salar)
The exam Jamal le prof incorruptible Shwan Attoof
Jamal, le prof incorruptible (Shwan Attoof)
The exam Shilan Avan Jamal 1
Shilan (Avan Jamal)
The exam Le mari jalouxHussein HassanLe mari jaloux (Hussein Hassan)
The exam La parentèle
La parentèle, cachée dans un camion réfrigérant, pour souffler les bonnes réponses aux tricheurs...


L'AVENIR, C'EST LE BLUETOOTH. QUANT AU PRÉSENT, EH BIEN, C'EST LE CANTONNEMENT DES FEMMES DANS LE PASSÉ...

Texte: Valérie Valkanap


THE EXAM, de Shawkat Amin Korki (Irak, 2021, 89 mn)

Première suisse le 13 janvier 2022.
Exclusivement en streaming sur filmingo.ch


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KORKI, RÉALISATEUR KURDE D’INTERNATIONALE RENOMMÉE, SAIT DE QUOI IL PARLE. Son histoire se déroule sur fond de reprise de Mossoul (2017) aux jihadistes de l’EI (par le biais de bribes d’informations télévisées). Trois ans plus tôt, ils avaient annexé la 2ème ville la plus importante d’Irak. On n’en verra rien, mais le bilan de la guerre civile est terrible. Des milliers de victimes civiles, des centaines de milliers de réfugiés, une destruction totale de la cité. L’intérêt de ce film par ailleurs palpitant comme un polar, est de montrer comment ces ravages ont ébranlé la société dans ses fondements: déstabilisation des institutions et précarisation de la vie ont ainsi offert l’opportunité à des escrocs de se faire rapidement de l’argent sur le dos de personnes aux abois ou, au contraire, en quête de réussite facile (et ceux qui veulent «devenir ingénieur ou docteur sans rien faire» sont bien plus nombreux que l’on croit). Une fraude aux examens d’entrée à l’université par recours au système Bluetooth nous introduit dans un système de corruption aux rhizomes multiples.

SHILAN VEUT AIDER SA SŒUR ROJIN mais elle ne choisit hélas pas la bonne méthode. Les sœurs (deux actrices non professionnelles épatantes de simplicité et de sincérité) vivent chez leur père qui, souhaitant se remarier, envisage de vendre leur maison pour payer sa dote. Sous le toit paternel vit aussi Sadar, le mari de Shilan, poissonnier au marché, et Senur, leur alerte fillette. On comprend que Rojin n’arrive pas à se remettre de la disparition, probablement en mer, de son amoureux. L’événement déclencheur de la mécanique dramatique est la décision du père de marier Rojin si elle ne réussit pas ses examens d’entrée à l’université. Shilan décide alors de vendre ses bijoux pour payer des fraudeurs qui fourniront les bonnes réponses aux épreuves. Tout cela parce qu’elle ne souhaite pas voir sa sœur assujettie comme elle à un mari qui décrète qu’il veut encore des enfants et lui confisque la pilule ou décide qu’elle ne sortira plus sans son autorisation. Ses allers et venues au «bureau» des escrocs (un chantier d’école d’anglais qui n’a jamais être achevé par suite de mille tracasseries administratives) éveillent la jalousie du mari qui, soupçonnant une trahison, achète une arme en conséquence. On craint le pire. Il est vrai que dans ce film, violence et règlement de compte ne sont jamais bien loin (cf le prof intègre qui se fait à la fin tabasser).

CORROMPUS ET MORALISTES RENVOYÉS DOS A DOS. Quand on ne gagne plus qu’un quart de son salaire de professeur, comment résister à la tentation d’arrondir illégalement ses fins de mois difficiles? Où l’on constatera par la même occasion que chacun s’arrange allègrement avec sa propre morale. Ainsi, parmi les professeurs sollicités pour fournir les bonnes réponses aux questions piratées (mais qui donc à l’école envoie les photos des questions qui seront posées aux examens? Non, ce ne sera pas la personne que vous croyez!), il y en a un qui ne remplit qu’à 70 % le questionnaire…En attendant, rien ne change, car chacun trempe à un moment ou à un autre dans une affaire qui le met personnellement en cause. On s’assure donc de son silence en ne le dénonçant pas. Et, moins que jamais, car ce sont elles qui trinquent en premier quand tout va mal, les femmes n’ont droit à l’autonomie de décision, à l’éducation, à leur propre vie…

Avec un tel horizon, quel avenir attend Senur? Et comment grandiront les enfants nés dans une telle société?

Publié le 27.12.21