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LES OLYMPIADES

jonone1 280Un film sur une génération...Les olympiades 1 280Emilie, Nora et Camille
Les olympiades 2Nora à la fac de Tolbiac avant de se faire mobber...
Les Olympiades Nora et Camille 280
Nora et Camille: je t'aime, moi non plus
Les olympiades Emilie évalue les profils masculins sur une app de rencontre
Emilie évalue les profils masculins sur une app de rencontre
Olympiades1
Amber... un peu d'ombre et beaucoup de lumière!


QU'EST-CE QUI CLOCHE DANS LES NOUVEAUX RAPPORTS HOMMES-FEMMES?

Texte: Valérie Valkanap


La réalité des relations hommes-femmes aujourd’hui? Personne ne semble plus vouloir s’engager. Les Olympiades dresse un topo serré dans une fiction tournée du côté de la fac de Tolbiac.

LES OLYMPIADES, Un film de Jacques Audiard (F. 2021, 106')

À partir du 28 avril 2022 sur les écrans suisses-alémaniques

L'info dans notre agenda: ici


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LE QUOTIDIEN DES JEUNES URBAINS DU XXIe SIÉCLE EXAMINÉ À LA LOUPE. C’est le thème du dernier film de Jacques Audiard, réalisateur entre autres du remarquable «De rouille et d’os» (2012) et de «Dheepan», Palme d'or au Festival de Cannes 2015. Evoqué sous tous ses aspects, ce quotidien nous happe dès les premières images. Où il est fort question de sexualité débridée, passée dans les mœurs par le biais de la technologie (app de rencontres et pornographie Internet à l’appui), mais pas seulement. Sont aussi évoquées la vie estudiantine (on assiste, sidéré, à un mobbing d’une rare violence), la vie en colocation («quand Camille est là, tu es chez nous, quand il est absent, tu es chez moi» résume Emilie à une envahisseuse), les soirées festives alcoolisées (voire même parfois sous ecstasy) et celles de karaoké (avec une jeunesse entonnant d’éloquents refrains tels que: «parle-moi d’amour» et «je veux des baisers d’amour»!), la peur de trop se livrer, la crainte aussi de la solitude (car plus on est exposé sur les réseaux sociaux, plus on se sent seul)… Les liens distendus, voire inexistants avec la famille (support traditionnel dans les moments difficiles) n’aident pas à affronter cette façon de vivre en solo. Les nouvelles identités de genre non plus. «Je suis normale» dit Nora quand on lui demande ses préférences sexuelles. Elle rajoute «Euh, je suis une femme» et ça ne clarifie rien.

QU’EST-CE QUI CLOCHE DANS LES NOUVEAUX RAPPORTS HOMMES-FEMMES? Emilie (Lucie Zhang) est une fille qui «baise d’abord et voit ensuite». Bien que diplômée de Sciences Po, elle travaille dans un call center. Camille (Makita Samba) est professeur de lettres et prépare son agrégation. Non dépourvu d’idéaux et d’humour («je lisais Rousseau dans la chambre à côté et je me demandais si tu n’aurais pas envie d’un yaourt» dit-il à Emilie alors qu’il a autre chose en tête), il cherche seulement des aventures basées sur le plus haut «degré d’attractivité possible». Nora (Noémie Merlant) reprend des études de droit après dix ans d’expérience professionnelle à Bordeaux. Chassée de la fac, elle se retrouve à travailler pour une agence immobilière avec Camille et le prévient d’emblée: «je ne supporterai aucun regard, aucun geste déplacé». Quant à Louise, alias Amber Sweet (Jenny Beth), elle est travailleuse du sexe sur Internet. Le film porte sur leurs relations, avec pour tout décor les HLM du 13e arrondissement de Paris. Si hommes et femmes ont ainsi du mal à trouver la juste mesure dans leurs rapports, c’est peut-être à cause de la multiplication des opportunités de rencontres éphémères, encouragées par l’outillage électronique («Arrêtez avec vos téléphones» s’égosille le prof de fac dépassé). Comme dit Camille à Emilie, «si tu veux te faire humilier, c’est le bon plan». Ceux et celles qui ne souhaitent pas suivre le dictat de la jouissance - but ultime (incarnés par le personnage de Nora) se sentent dévalorisés, marginalisés, impuissants, dégoutés. D’autant que les informations circulent vite sur le net, générant une méfiance généralisée et un malaise accru. Non les sentiments n’ont pas disparu, ils sont juste plus difficiles à exprimer. Camille, plaqué par sa petite amie (en «jachère sexuelle» se moque Emilie) avoue qu’il n’est pas triste, mais… pas indifférent non plus.

SI CE FILM EST TOURNÉ EN NOIR ET BLANC, c’est peut-être pour nous aider à nous recentrer sur l’essentiel: sans authenticité, les relations humaines n’offrent que peu de perspectives. Camille ne se trompe-t-il pas lorsqu’il croit avoir trouvé le grand amour en Nora? Emilie lui souffle qu’il a juste trouvé un nouveau défi. Comme lance le père de Camille à son fils devenu méprisant vis-à-vis de sa jeune sœur, «ce que tu penses on s’en fiche, intéresse-toi à elle, dis-lui ce qu’elle veut entendre, encourage-la». En d’autres termes, montre un peu d’humanité. On loue dans ce film tant la qualité de l’image (gros plan sur le matelas sans literie de Camille ou sur le baiser de Louise à Nora) que celle des dialogues. On en ressort chamboulé mais un peu plus magnanime.

Valérie Valkanap 28.04.22