→ CHANSON/MUSIQUE

AU 5 ÈME ÉTAGE À BERNE CE JEUDI 19 MAI 2022

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Sans le superflu: le dernier album de Marjolaine Piémont

 


PRISE DE CHANT LIBÉRATRICE

Texte: Valérie Valkanap


Une fois par mois, un concert francophone a lieu au 5ème étage à Berne!

En savoir plus sur:
La musicienne: www.marjolainepiemont.com
L'organisateur: www.123chanson.ch

Le concert: l'info du concert dans l'agenda: ici

Le prochain concert a lieu le jeudi 30 juin à 20h30. A l'affiche: Sarcloret et son fils Albert Chinet


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«BONSOIR PUBLIC EN DÉLIRE!» lance Marjolaine Piémont à l’audience du «5e Étage», un bar du quartier de la Matte qui a le vent en poupe à Berne, et pas seulement pour ses soirées salsa.

AUTEUR-COMPOSITEUR-INTERPRÈTE, Marjolaine est belle, sensuelle, théâtrale. Les femmes autour de moi l’ont vue arriver, perchée sur ses escarpins rouges, dans sa combinaison-short noire. Ça doit être elle, ont-elles murmuré avec envie, en comparant leur ligne à la sienne. Je n’ai aucune idée de qui elle est. Je sais juste qu’en ce jeudi 19 mai 2022, elle est la première invitée des jeudis francophones lancés à l’initiative de Claude Braun. Lui non plus, je ne le connais pas, mais sa renommée n’est plus à faire, lui qui a su attirer, 20 ans durant, les grands noms de la chanson française au Berthoud Festival. Sans gel ni paillette dans les cheveux, sans adopter ce ton faussement réjoui des animateurs de variétés, l’homme nous annonce qu’un concert aura désormais lieu ici tous les mois. Qu’on se le dise! Puis il cède le micro à l’espiègle chanteuse et à Quentin, son guitariste.

L’AMOUR NOUS A ROULÉ DANS DE BEAUX DRAPS annonce la couleur. L’artiste accomplie n’y va pas par quatre chemins qui passe au scalpel l’intimité du couple. Elle a, dans le regard, la même lueur coquine et, au coin des lèvres, le même demi-sourire que Brassens. Pour ce qui est de briser les tabous, c’est Gainsbourg en diablesse. Quand le couple «a pris le pli dans le même lit» la divine sensuelle, elle, «rêve d’inconnus qui se ruent sur elle». J’éclate de rire: j’ai bien fait de venir. Sa sexualité épanouie, elle la revendique intelligemment, donnant à lire entre les lignes. C’est troublant, jamais vulgaire cependant. Mon imagination galope tandis qu’elle lance «c’est merveilleux de serrer la main des messieurs, bien plus audacieux que de les regarder dans les yeux» ou qu’elle confie, deux fois par an, entre 5 et 7, rendre visite à un homme qui lui parle de «sa beauté intérieure» tout «en entrant et sortant comme il veut». Parle-t-elle de son gynécologue? Non, je ne crois pas, même si elle cultive l’ambiguïté à dessein. Dans une affirmation de souveraine indépendance, elle déclame qu’elle est «un drôle d’oiseau qu’on n’attrape pas avec un anneau» (Femme mais pas d’un homme), renversant avec brio les rôles de La non-demande en mariage du moustachu de Sète.

TRALALAS ET CHABADAS
Elle a mille tours dans son sac, jouant du contraste entre sa nature exubérante face à celle de Quentin l’introverti, ou laissant dégringoler sa chevelure comme une rockeuse en folie lorsqu’elle dénonce tous les «tralalas» et les «chabadas» de l’amour contrefait. «Ce que je fais, ce que je pense, n’a aucune importance, je suis bonne, juste bonne à rester dans l’ombre d’un homme». Dieu que cette femme-là me plaît qui chante la vérité à m’en donner la chair de poule. Rappelant qu’il n’était, jusqu’à pas très longtemps, pas question de se toucher, elle danse un «slovid» du bout des doigts avec un «Patrick» choisi dans le public, tandis qu’il s’escrime à lui faire comprendre que non, lui, c’est Jean-François. Là où elle déchaîne la salle, c’est quand elle entame C’est beau, un homme à poil, «c’est mieux qu’un chien, presqu’un cheval». Chez elle, aucune volonté de ridiculiser, mais plutôt d’afficher son droit d’aller à contre-courant de la mode (à rebrousse-poil ?), clamant haut et fort son attirance pour la pilosité.

ÉLECTRON LIBRE
Marjolaine est vraiment un électron libre. Et quand, avant d’entonner La sol do mi, sa plus percutante chanson, elle annonce que tous les hommes sont merveilleux, mais qu’il existe quand même de bien «grands enculés» , tel ce directeur artistique «veule et familier», «vile et carnassier» qui «louvoyait autour de sa proie», la finaude, voyant que j’approuve, me déclare qu’on a «des atomes crochus».

Oui, elle et moi, on a quelque chose en commun: L’envie de rire de soi et de trouver un prisme qui fasse voir la vie moins maussade qu’elle n’est. C’est décidé. Le mois prochain, je fais une entorse au tango et je me rends au 5e Etage. Ça promet d’être féroce, ça sera Sarclo et son fils Albert Chinet. Sarclo, vous savez, le torpilleur des mots.

Valérie Valkanap, pour Le Courrier de Berne

Publié le 21 mai 2022