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UN AFGHAN À PARISjonone1 280

 


DU PÈRE LACHAISE À LA LITTÉRATURE

Texte: Laurence Hainault Aggeler


«Un Afghan Paris» de Mahmud Nasimi

«Une langue poétique aux images venues d’ailleurs»

«Tourner les pages, c'est avoir accès à la douceur de la nature. Les livres tracent mon chemin, en guidant mon imagination vers de beaux horizons. Ils font dorénavant partie de mon voyage autant que la lumière par la fenêtre et le sourire dans la vie.» (page 15)


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LA TRAVERSÉE
Nombreux sont les témoignages poignants sur les traversées des émigrants. Le récit de ces périples semés d’embûches et d’humiliations multiplie les épisodes douloureux. Mahmud Nasimi a produit un de ces livres incontournables pour qui veut comprendre les arrivants épuisés et hagards. Lui a connu l'emprisonnement, la torture, les passeurs, la Méditerranée à bord d'un petit bateau de pêche. Son itinéraire: l'Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, l'Autriche, l'Allemagne et la Belgique. Ce fut le sujet de son premier livre, «730 jours dans l’enfer migratoire».
 
AU BOUT DU CHEMIN
Le second récit est bien différent. «Un Aghan à Paris» parle du lieu d’arrivée, métro Jaurès. La terre promise? Pas vraiment. Le jeune réfugié erre dans la Ville lumière, se heurte à l’indifférence des passants ou des étudiants attablés dans les cafés. Il attend d'obtenir le droit d'asile. Il a faim et froid en faisant la queue pour ce tampon qui permet de revenir le lendemain.

BASCULEMENT
Ce second récit est surtout celui d’une révélation. Un jour, au cimetière du Père-Lachaise, il découvre les sépultures de Balzac, Molière, Hugo, Baudelaire. Un projet surgit: apprendre mieux la langue française en lisant leurs livres. Le temps bascule, s’arrête. Avec courage et ténacité, il décrypte leurs phrases, l’esprit de leurs textes. Grâce à eux, le déraciné trouve un nouveau terreau.

LA LITTÉRATURE SALVATRICE
Certes pour survivre, Mahmud Nasimi a profité des associations caritatives étatiques. L’accueil chaleureux de personnes disponibles a rendu la solitude supportable. Il leur écrit un vibrant hommage, car sans elles rien n’aurait existé à commencer par ce livre. Mais les romans et les chansons ont recollé des morceaux de passé pour les relier au présent. Les voix de Georges Brassens, Jacques Brel ou Boris Vian accompagnaient ses promenades et la dureté s’émoussait.

TANT DE DÉLICATESSE!
Le jeune immigrant raconte son quotidien, ses rencontres, les souvenirs de la tendresse d’autrefois. En fin de chapitre surgissent quelques poèmes sur Paris, l’amitié, l’enfance. Quand sa bien-aimée lui manque, les étoiles s’éteignent dans la nuit. Alors il écrit et chaque douleur s’imprègne de beauté. Pourra-t-il pardonner un jour, retrouver sa dignité? Mahmud Nasimi en est de plus en plus convaincu.

L.H.A. 30 janvioer 2023