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DE VIDY AU SCHIFFBAU ET INVERSEMENT!

jonone1 280Vincent Baudriller est à la tête du théâtre de Vidy depuis bientôt une dizaine d'années. Photo Samuel RubioBoudoir Steven Cohen 03Boudoir de Steven Cohen au Schiffbau.« Un véritable choc émouvant et bouleversant»
Fantasmagoria - Philippe QuesneFantasmagoria de Philippe Quesne: «Un théâtre certes sans humain mais qui s’interroge sur nos peurs contemporaines qui elles sont très humaines. C’est très beau visuellement et très original.»
BeArielleF3 R MathildaOlmi
Be Arielle F de Simon Senn. «C'est beau, fragile et profondément humain».
DsimonDSimon de Simon Senn et Tammara Leites. «Une intelligence artificielle échappe peu à peu au contrôle de ses inventeurs.»


 


QUESTIONS À VINCENT BAUDRILLER

Questions: Sandrine Charlot Zinsli


Quatre jours de festival, de fête, d'échanges!

Du jeudi 23 au dimanche 26 février quatre spectacles créés à Vidy viennent à Zurich au Schiffbau.

Dans le même temps trois spectacles du Schauspielhaus Zh sont présentés à Lausanne.

En savoir plus: https://www.schauspielhaus.ch/de/25300/showcase-thatre-vidy


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SCZ: Cette semaine, à partir de jeudi, Vidy est à Zurich et le Schauspielhaus est à Lausanne pour quatre jours. Pourquoi est-ce important de créer ce genre d'échanges et de rapprochement?

Vincent Baudriller (VB):
Nous essayons d’être un théâtre suisse, et de travailler à plus d’échanges entre les artistes et les théâtres des différentes régions. Nous programmons régulièrement des spectacles zurichois et suisse-allemands à Lausanne. Nous avons notamment produit ou coproduit plusieurs fois des spectacles de Stefan Kaegi, Christoph Marthaler, Tom Lutz ou Ntando Cele. En 2018, nous avions déjà programmé une semaine zurichoise «Grüezi Zürich» avec Martin Zimmermann, Phil Hayes, Michael Schröder, Jessica Huber.
Cette semaine, nous inaugurons quelque chose qui va encore un peu plus loin, une sorte de troc avec réciprocité: pendant que le Schauspielhaus sera à Lausanne, il ouvre à Zurich une belle fenêtre sur nos productions. Et cela, c’est inédit. Il y aura quatre jours de FESTIVAL, de FÊTE même, puisque nous échangeons même nos DJ. Samedi soir, c’est le collectif lausannois ZRO21 avec les DJ Santo, Mulah et VJ Aladdine3000 qui sera dans le hall du Schiffbau à partir de 21h30.

Je dois ajouter que j’aime beaucoup le travail de Nicolas Stemann que je suis depuis longtemps. Je l’avais déjà invité au festival d’Avignon avec les mises en scène «Die Kontrakte des Kaufmanns» d’Elfriede Jelinek en 2012 et de «Faust» en 2013. Et depuis, il y a eu plusieurs collaborations, la création de deux spectacles à Vidy notamment, comme «Contre-enquêtes» qui a été proposé fin janvier à Zurich. Il y a une grande complicité entre nous. C’est sans doute aussi pour cela qu’est née notre envie d’inventer une nouvelle collaboration.

SCZ: Pour le Show case, vous avez sélectionné quatre projets, aux formats assez courts et ultra-contemporains. Pourquoi ces choix?

VB: Ce format festival sur un grand week-end invite le public à venir découvrir des artistes et des formes qu’il ne connaît pas forcément. Vidy et le Schauspielhaus sont des théâtres de création et d’expérimentation, et des lieux ouverts sur le monde avec des créations qui questionnent notre époque. C’est ce que nous voulons partager avec le public avec les spectacles que nous avons choisis de présenter.  
Un des invités, PHILIPPE QUESNE, occupe une place importante sur la scène contemporaine européenne. Son théâtre est très visuel. Il aime inventer et expérimenter des formes ludiques pour parler de la fragilité de l’humain et du vivre ensemble. A partir de jeudi, il propose au Schiffbau un théâtre fantastique, musical et visuel, sans acteur. Le spectacle s’est créé l’année dernière à Vidy, alors que la guerre réapparaissait en Europe.
Dans cette FANTASMAGORIE, il met en scène et fait jouer des pianos et des squelettes pour créer une drôle de danse macabre  contemporaine et poétique. Un théâtre certes sans humain mais qui s’interroge sur nos peurs contemporaines qui elles sont très humaines. C’est très beau visuellement et très original. On pourrait trouver une filiation avec le travail de Heiner Goebbels, un artiste important dans l’histoire de Vidy.

STEVEN COHEN est un artiste tout à fait singulier qui me touche énormément. Il convoque l’histoire en puisant dans la sienne d’homme blanc, sud-africain, juif et queer. Il joue à confronter des forces contradictoires: beauté et violence, force et fragilité, masculin et féminin, passé et présent etc. Dans la première partie de son spectacle, nous suivons son personnage filmé dans un cimetière juif et chez un taxidermiste en Afrique du Sud et dans un camp d’extermination nazi. Ensuite, nous le retrouvons dans l’intimité de son «BOUDOIR», au milieu de mille et un objets personnels porteurs de la petite et de la grande histoire. C’est un véritable choc émouvant et bouleversant.

SIMON SENN lui aussi vient des arts visuels. Il propose deux enquêtes théâtrales qui interrogent de façon sensible notre rapport aux nouvelles technologies. Dans «BE ARIELLE F» il achète le corps d’une femme en 3D et grâce à la réalité virtuelle, il entre dans ce corps, et interroge les conséquence intimes, mais aussi juridiques et artistiques de cette transformation. C’est beau, fragile, profondément humain.
Pour DSIMON avec la chercheuse uruguayenne, Tammara Leites, il a nourri DSIMON, une intelligence artificielle de ses propres écrits. Et celle-ci peu à peu échappe au contrôle de ses inventeurs.

SCZ: Les travaux de rénovation et d’agrandissement du théâtre de Vidy viennent de s'achever. Parlez-nous de cette réouverture et du lien entre Vidy et Zurich.

VB: Le théâtre de Vidy est né d’une exposition nationale, celle de 1964, et a été conçu et réalisé par un artiste et architecte zurichois, Max Bill. D’ailleurs le Schauspielhaus Zurich avait été invité à l’époque à présenter un spectacle de Max Frisch. Bref, les liens entre Zurich et Vidy remontent donc à ses origines et n’ont cessé d’être entretenus.

Le théâtre n’était plus aux normes. Après deux ans et demi de travaux, il a rouvert en janvier. C’est une métamorphose. Il a maintenant quatre salles de spectacles, une grande de 430 places, une de 250 places (celle qui servait de salle provisoire, en bois, pendant les travaux et qu’on a conservée) et deux de 100 places. Il y a aussi une salle de répétition de la même taille que la grande salle. Bref, nous avons maintenant UN VRAI PETIT COMPLEXE THÉÂTRAL. Il est possible de créer, répéter et proposer des spectacles au public en même temps. Pour ce festival Zurich-Lausanne, nous allons d’ailleurs occuper trois de nos salles.
 
Le théâtre de Vidy profite d’un cadre exceptionnel, au milieu de la verdure, au bord de la plage et du Lac Léman avec une vue sur les alpes françaises au sud. Bref, c’est un peu comme le Zürcher Theater Spektakel, mais toute l’année. Dans les semaines qui viennent, il y aura un grand nombre de spectacles qui valent je crois le voyage.  Je citerai LIEBESTOD d’Angélica Liddell  du 15 au 18 mars (avec une représentation le samedi à 18h, ce qui permet de rentrer le soir à Zurich sans problème). C’est une artiste espagnole très puissante et c’est sa seule date en Suisse, (le spectacle est surtitré en francais et en anglais).
Il y a aussi la reprise de «DAS WEISSE VOM EI». Quand Christoph Marthaler, ancien directeur du Schauspielhaus, met en scène Labiche, une famille parle français, l’autre allemand. Cela devient très suisse et cela reste très ludique. Ou encore Romeo Castellucci en mai avec un spectacle BROS et une installation vidéo et sonore. Et enfin en juin le lausannois François Grémaud et sa trilogie sur trois grandes figures féminines des arts de la scène revisitées aujourd’hui à partir de la pièce Phèdre, du ballet Gisèle et de l’opéra Carmen en juin. Ce sera même possible de voir la trilogie en une journée, les 10 et 11 juin.

Mais avant tous ces rendez-vous, il y a nos deux petits festivals simultanés: à Lausanne et à Zurich à partir de jeudi 23 février.

Publié le 21/02/2023