→ CINÉMA

UNE HISTOIRE PUISSANTE

jonone1 280jonone2 280Une preuve d'amour: Haider vient s'asseoir à côté de Biba dans le métro pour faire taire une mécontente.
Tous les deux, du côté des femmes... Un début de complicité.jonone3 280 Autre preuve d'amour: le transport en pleine nuit de la publicité de la danseuse en carton. Sans savoir où cela va le mener...
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Les belles-filles: toutes les deux ont dû renoncer à travailler en dehors de la maison. Nucchi l'a accepté sans trop de regrets. Pour Mumtaz, cela a été un sacrifice immense, une injustice sans doute aussi et peut-être... le début de la fin.
Joyland 01 280 Tendresse, douceur et coup de foudre.
«Tu viendras à mon enterrement? Car si mon père est au courant, c'est ma mort assurée...
- C'est ta mort, si tu fais ce que tu aimes?»
Haider est de plus en plus attiré par Biba, la danseuse trans.
Joyland 07C'est elle qui - contre toute attente - a le mot de la fin... Et elle ne prend pas de pincettes.


JOYLAND

Texte: Sandrine Charlot Zinsli


Un film de Saim Sadiq, 126', 

Avec: Ali Junejo, Alina Khan, Rasti Farooq, Sarwat Gilani, Salman Peerzada, Sohail Sameer, Sania Saeed

Langues: pendjabi, ourdou avec sous-titres en all et f

Festival de Cannes 2022: Prix du Jury «Un Certain Regard» et Queer Palm

Sur les écrans de Suisse alémanique à partir du 9 mars 2023


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Il y a des séances de cinéma qu'on ne veut pas quitter parce qu'on est totalement entrés dans le film.  Parce qu'on s'est totalement attachés aux personnages. Parce que tout y est délicat, tout en étant extrêmement puissant dans le récit et fin dans la construction. Parce qu'on a baigné pendant deux heures dans une  lumière si magnifiée qu'on a du mal à retrouver les extérieurs zurichois.

UNE SOCIÉTÉ PATRIARCALE AVEC SES INJONCTIONS
«Joyland» de Saim Sadiq est l'un de ces films qui s'impriment en nous pour longtemps. Il montre la difficulté à se sortir du carcan social et patriarcal de la société pakistanaise. Le père, Abba, règne sur la maisonnée d'un quartier de Lahore. S'il profite de la grande gentillesse de son plus jeune fils, Haider, il ne manque pas une occasion de lui dire ce qu'il doit faire. A savoir: devenir un homme! C'est à dire quelqu'un qui est capable de plonger un couteau dans le cou d'une petite chèvre au moment du sacrifice rituel, quelqu'un qui fait un enfant à sa femme - et si possible un fils-, quelqu'un qui travaille et rapporte de l'argent à la maison.

JULIETTE PLUTÔT QUE ROMÉO
Mais voilà, Haider n'est pas comme cela. A l'école, c'est le rôle de Juliette qu'il a interprété. A la maison, c'est lui qui joue avec les enfants de son frère, masse et lave son père, prépare les lentilles pour le déjeuner de sa femme qui travaille dans un salon de beauté. Il  sait écouter et même, il s'excuse de ne pas être comme on attend qu'il soit. Il est tendre, attentionné et serviable. Peut-être qu'il lui  manque quelque chose...

UNE CONSTRUCTION TOUTE EN FINESSE
La première partie du film nous fait entrer dans une maison, un salon de beauté, un cabaret de danse érotique. Autant de lieux qui brossent à petites touches le portrait d'une société rigoureuse et régie par des conventions quasi inamovibles. Nous faisons également connaissance des personnages, avec leurs faiblesses, leurs envies de liberté, leurs renoncements.
Dans la deuxième partie, l'intrigue s'épaissit. L'amour se précise. Mais rien n'est simpliste. Tout est subtile. La dernière partie est tout bonnement magistrale, tout se dénoue, il y a du tragique, mais la fin reste ouverte. 

DE BEAUX PORTRAITS DE  FEMMES
Mumtaz aime son mari Haider, pour  sa tendresse et sa douceur. Elle l'a épousé, car il lui a  assuré qu'elle pourrait continuer à exercer une activité salariée. Elle ne cesse pas de l'aimer, malgré ses faiblesses face à son père, ni même quand elle sent qu'il lui échappe. Nucchi, la belle-soeur, et mère de quatre filles (la malchanceuse!), est la voix de l'acceptation, mais aussi, à la fin, celle de la colère et du parler vrai.
Quant à Biba, «elle utilise sa langue comme des ciseaux». Et elle tranche dans le vif. La lumière est alors rouge, et la camera filme en gros plan les visages. «C'est un gros travail de devenir une fille», dit-elle. Et un peu plus tard précise que cela coûte cher...

PROCHES DES PERSONNAGES
Comme dans l'histoire du moustique amoureux d'une poule, la mort est là au bout de l'amour. Tout au long du film, on retrouve la force des images, l'intelligence des plans et la beauté des couleurs et de la lumière. Les dialogues sont d'une grande justesse, même s'il faut un petit peu s'accrocher au tout début, car le débit est rapide.
Dans cette maison où toute intimité est difficile, on s'approche au plus près des personnages et on les comprend.

Publié le 1er mars 2023.