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UN PREMIER ROMAN

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UN ROMAN QUI MET LE FEU AUX IDÉES RECUES

Texte: Laurence Hainault Aggeler


«Deux secondes d'air qui brûle» de Diaty Diallo

Paru chez Fiction et Cie au Seuil en août 2022, 176 pages, EAN 9782021507584


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«On a juste besoin d’agitation, un peu. Attiser les feux. Se raconter des trucs pour passer les jours qui rallongent et même ceux qui raccourcissent en fait; et puis danser parfois». «Faut pas nous plier, faut pas nous plier, faut pas nous pourchasser, arrêtez de nous faire courir, faut pas nous tabasser, nous violer, nous flinguer. Faut arrêter s'il vous plaît. »

ASTOR EST ENTOURÉ DE SES POTES
Pour rester joyeuse, la bande se raccroche aux habitudes. Comme celle des teufs improvisées autour d’un barbecue dans la pyramide posée sur le terrain central de la cité. «La place fantasmée du village où célébrer des trucs aurait été régulier». Devant la trop jolie Aïssa, aux cheveux crépus châtains clairs qui lui font «battre le cœur jusqu’à la pulpe du bout de ses doigts», Astor devient timide quand il veut danser. Certains soirs l’air se sature brusquement de fumée. Impossible de respirer. La police force les bandes à sortir de ce lieu interdit.  Les gorges brûlent, haletantes. Il faut alors courir pour éviter les gardes à vue musclées, avilissantes. Tel est le quotidien des jeunes entre Paname et sa banlieue.

ET UN BEAU JOUR, CELA SE PASSE AUTREMENT
Une interpellation puis la bavure policière coûtent la vie au fuyard, le petit frère de Chérif, le meilleur ami d’Astor. Le jeune homme reste anéanti par une colère désespérée. Les garçons de la cité ont une âme tendre, ils ont aussi des idées de vengeance. Le mouvement collectif s’organise. L’air va-t-il se mettre à brûler?

UN PREMIER ROMAN MAGISTRALEMENT ARTICULÉ
Trois langages sont utilisés en alternance: celui de la rue, nerveux et dépouillé, celui des chansons préférées, celui d’une écrivaine accomplie dont les tournures inédites frôlent la poésie. Grâce à eux Diaty Diallo décline la fragilité de ces mauvais garçons harcelés auxquels on ne passe jamais rien, jusqu’à la catastrophe. Ils aiment la musique, les joints, les pétarades des rodéos urbains. Ils font peur en transgressant quelques règles plus ou moins nécessaires, eux qui veulent surtout s’amuser, se sentir libres. Un jour peut-être l’excès d’iniquités provoquera la déflagration finale?

Diaty Diallo a grandi entre les Yvelines et la Seine-Saint-Denis dans un monde bien différent de celui caricaturé par les médias. Son livre évite les accusations, se limite à présenter les faits. À nous de juger… ou pas.

L.H.A 03/2023.

Publié le 9 mars 2023