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«JULIE DE CARNEILHAN» DE COLETTE
INTEMPORALITÉ DU PERVERS NARCISSIQUE...
Texte: Laurence Hainault Aggeler
Retour sur un classique
En hommage à la Journée des femmes du 8 mars, voici le magnifique auto portrait d’une des plus grandes écrivaines françaises: Julie de Carneilhan de Colette
Ce roman, rédigé en 5 mois pendant l’Occupation, fut publié sous forme de feuilleton, entre le 13 juin et le 22 août 1941. L’auteure le rédigea avec difficulté comme en témoignent les ratures, les collages et les nombreuses corrections. Elle ne l’aimait pas et le qualifia de venimeux, car il se rapportait à sa vie mouvementée avec Henry de Jouvenel. Ce fut pour Colette, un de ces règlements de compte par livre interposé, si cher aux écrivains. Cependant, l’impact de l’œuvre va dépasser son intention première…
QUAND LA LÉGÈRETÉ SERT DE REMPART À LA SOLITUDE
Nous voici plongés dans la haute société parisienne du début du 20e siècle, quand la futilité s’érige en art de vivre! Julie, divorcée du comte d’Espivant, mène une existence mondaine où la légèreté sert de rempart à la solitude. Parfois cruelle, mais aussi fragile et sensible, l’héroïne émeut par ce culte incompréhensible de l’acte dérisoire, un respect inattendu pour les plus faibles, ses moments de douceur subite envers un jeune amant très vain, sa lucidité.
RÊVE DE COMPLICITÉ RETROUVÉE
Alors qu’elle se croit guérie, Julie (ou Colette) retombe sous l’emprise du comte, quand il l’appelle à son chevet pour implorer son pardon suite à une crise cardiaque; il l'avait en effet ruinée avant de l’abandonner. Plus ou moins consciente de l’éventualité d’une manipulation, cette femme de passion se met à rêver; elle espère retrouver la complicité sentimentale et accepte donc les remords du malade, accompagnés d’une proposition de dédommagement financier par la nouvelle et richissime épouse du comte.
DÉSILLUSION
Chose prévisible, Julie est une fois de plus flouée par celui qui fut présenté dès le début comme un être cynique et froid. Fidèle à ses valeurs, elle ne cède ni à la vénalité ni à la vengeance, même si la désillusion émotionnelle provoque une irréparable cassure intérieure.
INTEMPORALITÉ
Le contexte du roman renvoie à une époque désuète mais le charme stylistique fonctionne: relire un auteur phare de la langue française est envoûtant.
Et même si l’intrigue ne fait pas de ce roman un chef-d’œuvre, son acuité psychologique décrit parfaitement le cas du pervers narcissique dont les femmes sentimentales resteront toujours les victimes. Un douloureux rapport humain tout à fait intemporel!
L.H.A 03/2023
Publié le 11 mars 2023
