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«BORN IN UKRAINE»

jonone1 280Zinayida Serebryakova, Autoportrait, 1923-24, Kijv National Art Gallery - © ProLitteris, Zürich jonone2 280In der Stadt, Winter de Dawid Burljuk. Huile sur toile, 65 x 46.5 cm. The Kyiv National Art Gallery, Kyjiw


DE KYIV À BÂLE...

Texte: Laurence Hainault Aggeler


Le Musée d’art de Kyiv est à Bâle jusqu’au 2 juillet 2023: «Born in Ukraine»

Exposition des œuvres de 40 artistes du 18ème et du 19ème siècle, tous nés en Ukraine

En savoir plus: kunstmuseumbasel.ch/de/ausstellungen/2022/born-in-ukraine


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REMISE EN QUESTION
Dans le cadre de l’exposition Born in Ukraine, le Musée des Beaux-arts de Bâle présente des tableaux appartenant à la Galerie nationale d’Art de Kyiv. Ce musée national ukrainien abrite plus de 14 000 pièces en partant des icônes du XIIIe siècle jusqu’aux chefs-d’œuvre du XXIe siècle. Lorsque l’Ukraine faisait partie de l’Union soviétique, la Galerie était considérée comme un musée d’art russe. Depuis 2014, son étude critique remet en cause le lieu commun d’un art russe prétendument homogène. Une volonté plus actuelle que jamais.

PROTÉGER ET FAIRE CONNAÎTRE
Au printemps 2022, des représentant·es de la Galerie nationale d’Art de Kyiv sollicitent le Musée des Beaux-arts de Bâle. Par manque d’espaces dans leurs locaux pour placer les œuvres à l’abri des missiles russes, ils recherchent des musées étrangers susceptibles d’accueillir des pans de leur prestigieuse collection. Il s’agit de faire sortir provisoirement les peintures du pays afin de les mettre en sécurité, mais aussi de les exposer.

UNE GRANDE DIVERSITÉ
Parmi les artistes dont l’œuvre est présentée dans l’exposition Born in Ukraine figurent des femmes et des hommes nés sur le territoire ukrainien. Entre autres le célèbre Illia Repin. Nombre d’entre eux furent formés en Russie et devinrent, de ce fait, des représentants culturels de l’Empire russe, puis de l’Union soviétique. Plus tard, certains s’installèrent en Europe ou aux États-Unis. Aux côtés de ces natifs ukrainiens, «Born in Ukraine» montre également des artistes aux racines juives, polonaises, arméniennes ou grecques, dont la pratique fut marquée de la même manière par plusieurs traditions nationales.

LA VOLONTÉ POLITIQUE
Les images sont fortes et variées, tant par les thèmes que par les styles. Tel ce «Portrait de paysan» d’Illia Repin qui ébranle par la dureté du regard, la détermination d’une mâchoire qu’on devine serrée de rage ou de souffrance sous la moustache tombante. Que voit-il? Que redoute-t-il? Ou encore «La ville en hiver» de Dawid Burluk, avec ces énormes traits, en traduction brutale d’un froid impitoyable confirmé par l’épaisseur de la neige au pied des maisons. Et que dire de l’oblique d’un visage trop doux pour ne pas sembler triste, celui de l’artiste Zinayida Serebryakova, choisie pour l’affiche? Des couchers de soleil incandescents aux scènes domestiques de révolte en passant par les portraits lourds d’expressivité, le visiteur ne pourra ignorer une volonté politique très claire. Oskana Pidsukha, un des trois commissaires de l’exposition, le confirme d’ailleurs dans une entrevue: «Nous voulons décoloniser l’histoire de l’art des pays autrefois occupés par la Russie».

L.H.A 05/2023