→ CINÉMA

READING LOLITA IN TEHRAN

jonone1 280

jonone2 280

jonone3 280

ReadingLolitaInTehran Filmstill2 280


ReadingLolitaInTehran Filmstill4


TROUVER, À SON ÉCHELLE, LA FORCE DE RÉSISTER À L'OPPRESSION

Texte: Valérie Valkanap


READING LOLITA IN TEHRAN, d’Eran Riklis (Italie, Israël, 2024, 108 mn)

Sur les écrans suisses alémaniques à partir du 3 juillet 2025

Le film sera présenté à Zurich, au Lunchkino du 26 juin au 2 juillet 2025:  


→ PRINT


«JE CROIS À LA VÉRITÉ, L’HONNÊTETÉ, AU RESPECT ET À L’AMOUR». Le réalisateur, Eran Riklis («The Syrian bride», «Lemon tree», «Dancing Arabs») résume en une phrase ses valeurs. Et quoi de mieux que la littérature pour rappeler à l’être humain l’importance de celles-ci? C’est pourquoi il a choisi de porter à l’écran le bestseller autobiographique d’Azar Nafisi. A la révolution islamique de 1979, Azar (puissante et lumineuse Golshifteh Farahani), titulaire d’un doctorat de l’université d’Oklahoma, retourne en Iran avec son mari Bijan (Arash Marandi). Elle y enseignera la littérature anglaise à l’université de Téhéran. Encouragés en classe par leur bienveillante professeure, certains étudiants n’hésitent pas à exercer un sens de la critique qu’on devine influencé par les religieux au pouvoir (Gasby le Magnifique est-il un livre moralement approprié? N’encourage-t-il pas l’adultère?). Bientôt la censure des mollahs s’abat sur l’université. La police des mœurs arrête et tabasse étudiantes et étudiants. A la sinistre prison d’Evin, ils disparaissent après d’affreux traitements (on ne voit rien mais il suffit d’entendre les cris). L’iman Khomeini impose le port du voile en public dès 9 ans, des mots sont interdits, des livres aussi. Très vite, il n’y a plus ni droit, ni liberté qui vaille.

UNE HISTOIRE DE FEMMES EN IRAN, mais en quoi cela nous concerne-t-il? Une douzaine d’années plus tard, six étudiantes, en une sorte de résistance clandestine, se réunissent chez leur ancienne professeure pour lire et analyser les romans majeurs de la littérature anglaise, histoire de lutter contre leur réalité morose. Les meilleurs livres ne sont-ils pas en effet censés remettre en cause idées reçues et convictions? Le rôle fondamental de la fiction n’est-il pas de nous faire prendre conscience de tout ce qui entrave notre liberté d’agir et de penser? Azar leur lit Lolita à voix haute et les jeunes femmes se reconnaissent en elle: ce que possédait Humbert n’était pas la vraie Lolita, mais le fruit de son imagination, sa propre création. Lolita n’avait pas de volonté, pas de vie propre. Exactement comme elles, qu’on force à se soumettre sous le voile. Alors bien sûr, les romans ne sont pas nos vraies vies, mais ils aident à vivre. Au passage, on apprécie l’allusion à ceux qui ne lisent aucun livre, mais ont une opinion sur tout.

UN FILM QUI PARLE DE PEURS MAIS AUSSI D’ESPOIR DE CHANGEMENT. Cette révolution n’était pas celle que les Iraniens rentrés au pays espéraient. Azar a des cauchemars chaque nuit. Anxieuse, elle craint l’avenir pour ses deux enfants (elle se réveille en sursaut et va vérifier s’ils sont bien dans leur chambre). Le pire pour les filles d’aujourd’hui, dit-elle, c’est qu’elles n’ont pas de souvenir à se remémorer. «Pas de balade au bras de leur amoureux, pas d’appels enflammés, pas de baisers volés». Quand non seulement «la logique et la bonne volonté» ne vous sont d’aucune utilité, mais qu’ils peuvent vous mettre en danger, vous et les vôtres, il faut savoir tirer les conséquences. Azar n’en peut plus de ne pas exister. Un fidèle et secret ami lettré l'encourage à quitter le pays. Se résignera-t-elle à l'exil? Ce film rappelle qu'on peut rapidement enrayer les libertés individuelles. Or celles-ci sont mises à rude épreuve un peu partout dans le monde. Cela concerne tous les gouvernements qui veulent s’imposer par les mensonges et la force, affirme le réalisateur en incluant Netanyahou. A méditer. V.V. 8.06.2025

Publié le 9 juin 2025