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LA CACHE

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jonone2 280Mai 68, la révolte dans la rue
jonone3 280L'arrière grand-mère dénommée «l'arrière-pays»
La Cache le fils artiste soutenu par sa mèreLe fils artiste (Christian Boltanski) soutenu par sa mère
La Cache les grands parents
Les grands parents: fantastiques! 
La Cache refaire le monde avec beaucoup de rêves et de mots
Refaire le monde avec beaucoup de rêves et de mots
La Cache UN grand père attentif 280
Un grand-père attentif
La Cache ça frôle la promiscuité
Ça frôle la promiscuité





L'HISTOIRE D'UNE FAMILLE UNIE QUI FAIT FRONT COMMUN

Texte: Valérie Valkanap


Se construire à partir d’une fiction familiale, c’est possible. Il suffit d’avoir du recul et un peu d’humour et beaucoup d’amour

LA CACHE, un film de Lionel Baier (Suisse, Lux., France, 2025, 90 mn) basé sur le roman de Christophe Boltanski

Sur les écrans suisses alémaniques à partir du 10 juillet 2025.

A lire aussi notre interview de Lionel Baier, le réalisateur: ici


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«RIRE DE CE QU'ON NE COMPREND PAS et qui fait peur», c’est le parti pris de Lionel Baier («La Dérive des Continents» (Au Sud), «La Vanité», «Les Grandes Ondes» (A l’Ouest)). Si, à l’échelle personnelle, cette active posture permet de surmonter l’adversité, à l’écran, elle gagne les bonnes grâces du spectateur, peut-être mieux disposé, entre deux rires, à écouter des choses sérieuses. Lionel Baier a ainsi pioché l’épisode de mai 68 dans le roman de Boltanski pour nous conter l’histoire d’une famille d’origine juive, ceci à travers la voix off du narrateur, alors petit garçon (Ethan Chimienti, à la touchante spontanéité). Son grand-père (le regretté Michel Blanc) est médecin, sa «mère-grand» (Dominique Reymond) écrit des livres politiquement engagés à partir d’interviews. Elle les réalise dans la Citroën Ami 6 (renommée «l’appartement mobile») de l’arrière-grand-mère baptisée, elle, l’Arrière-Pays (authentique Liliane Rovère). Son grand-oncle (William Lebghil) est linguiste (son entourage ne comprend pas grand-chose à ce qu’il dit mais c’est très savant) et son «petit-oncle» (Aurélien Gabrielli), artiste-plasticien. Tout ce monde vit ensemble rue de Grenelle «comme s’ils ne formaient qu’un seul grand corps». Mais voilà que, le jour du vernissage de la première exposition de petit-oncle, des émeutes éclatent dans Paris. Les parents de l’enfant le déposent chez Mère-grand avant de partir à l’assaut des barricades (ce qui, bien sûr, est très effrayant pour lui).

UNE FAMILLE UNIE QUI FAIT FRONT COMMUN à la moindre épreuve, c’est épatant et rassurant (mais ça peut être aussi étouffant, mais là n’est pas le sujet). Lorsqu’on a traversé de terribles épreuves et qu’on en est ressorti vivant, tel le grand-père, on porte probablement un regard à jamais décalé sur la vie. Lui, il s’est distingué au cours de la 1ère guerre mondiale et a dû se cacher durant la seconde du fait qu’il était juif. Dans cette famille, on suit la tradition, mais à distance (on mange par exemple du pain azyme … avec du jambon!) et on fait marcher dans tous les cas sa tête: en aucun cas on n’obéira aux règles sans fondement (en conséquence, aucun anniversaire ni aucune commémoration ne seront célébrés). Cela donne une éducation aussi loufoque que réjouissante où humour et esprit critique se mêlent à la grande satisfaction du spectateur.

Avec l’Arrière-Pays à laquelle il rend souvent visite dans sa chambre, le gamin apprend le crawl sur une pile de livres. C’est drôle de voir toute la famille se dandiner dans les couloirs de l’appartement sur Alleluia! la chanson de Jean Yanne qui sera en vogue un peu plus tard («Jésus-Christ, quelle malice, a inventé le self-service») entre une pub pour le Boursin et les informations télévisées sur les échauffourées et les déplacements du Général de Gaulle. On n’est pas prêt d’oublier la scène où Grand-oncle montre à deux enquêteurs comment fouiller «méthodiquement» l’appartement. La mémoire de la douleur a la vie dure. Pour Baier, il le dit à propos des événements d’aujourd’hui, «tout est relié et découle de l’Holocauste». L’enfant, lui, retiendra qu’il ne faut jamais laisser personne lui dire qui il est («et surtout pas les cons») et qu’avoir de l’imagination, ça permet d’en donner à la vie. On voit Michel Blanc disparaître une ultime fois de l’écran. Il sifflote du Brahms, main dans la main avec le petiot, et notre cœur se serre.

V.V. 23.06.2025

Publié le 25 juin 2025, complété le 1er juillet 2025