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«QUAND S'ARRÊTENT LES LARMES»
JEAN-NOËL PANCRAZI FAIT LE PORTRAIT DE SA SOEUR
Texte: Laurence Hainault Aggeler
Jean-Noël Pancrazi sera à Zurich le 30 septembre, à 18h, à l'invitation du professeur Thomas Klinkert du Romanisches Seminar de l'Université de Zurich.
Entrée libre
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LA FORCE DES SOUVENIRS
L’auteur fait ici le portrait de sa petite sœur vénérée. Tout commence un jour d'automne, dans le hall de la gare de Perpignan, où Isabelle l'attend au bout du quai, après l'avoir prévenu au téléphone être atteinte d'un cancer. L’horreur de la réalité s’associe à l’ardeur des sentiments et cède la place au rappel des souvenirs communs. Un son, une odeur, un détail, un regard: le passé resurgit, les émotions répondent aux événements.
AFFIRMER SA LIBERTÉ
Isabelle fut d’abord une enfant intrépide et vivace, sans aucun sens de la conformité. Jean Noël Pancrazi se remémore leur jeunesse en Algérie, la petite fille infatigable qui pédalait sur la terrasse écrasée de chaleur ou la spectatrice du match de foot protégée de l’insolation par un chapeau de papier bricolé. À cette époque, elle entraîna son frère loin de son excellente éducation, lui ouvrit les portes des cinémas, elle, dont la vie «ressemblait à un entracte entre deux projections».
SAVOIR RÉSISTER
Isabelle devint une amoureuse marginale et sensuelle, une voyageuse, une guerrière, une résistante au mal. Elle afficha vite un féminisme dédaigneux envers les soi-disant militantes «dont la sororité s’arrête au bout du faubourg Saint-Germain», sans même penser à héberger la réfugiée hirsute et désespérée.
RESTER SOLIDAIRE
À cette époque Isabelle accueillait subrepticement les déplacés temporaires «qu’on n’appelait pas encore migrants», sans hésiter à commettre le «délit de solidarité». Pourtant souffrante, elle se rendit à Marrakech après le tremblement de terre pour soutenir Driss, l’ami de toujours, devenu sans-abri, aider aussi les orphelins descendus de la montagne.
PROTÉGER LA DÉLICATESSE
Viendra le temps chaotique des confidences mutuelles, celui des voyages à deux, des rencontres, des moments ratés, de l’éloignement redouté même si la proximité domine, à commencer par celle de leurs «désirs parallèles». Avec délicatesse, Jean-Noël Pancrazi déplie tant d’épisodes, entre autres «ce qui les distingue et les soude, leurs amours particulières».
VEILLLER À MOINS SOUFFRIR
Puis l'auteur tombe malade et l'écriture s’accélère. Les phrases deviennent suffocantes, bordées de chagrin et de tendresse. Il décrit leur douleur commune «qu’il faut amadouer pour veiller à moins souffrir, pour supporter les regards prêts à évaluer secrètement votre état». Les deux êtres ne savent pas qui fermera les yeux de l’autre en premier. Alors ils restent «scrupuleux, vaillants, en retrait». Ne possèdent-ils pas «un même cœur abîmé qui tiendra bon et survivra» au-delà des larmes?
L.H.A
Publié le 11 août 2025