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«LA VENUE DE L'AVENIR»
Adèle, convaincante Suzanne Lindon
Adèle à son arrivée à ParisAdèle et sa mère, enfin réunies
Guy, Abdel, Seb et Céline à la recherche de leur ancêtre
Adèle entre son ami photographe et son ami peintre
Adèle, impressionnée par le trafic parisien
ENVISAGER L'AVENIR AVEC RECUL, EN BONNE CONNAISSANCE DU PASSÉ
Texte: Valérie Valkanap
LA VENUE DE L’AVENIR, de Cédric Klapisch (F. 124 mn, 2024)
à partir du 31 juillet sur les écrans suisses alémaniques.
à partir du 24 juillet au Lunchkino au cinéma Arthouse Le Paris à Zurich: https://arthouse.ch/movies/la-venue-de-lavenir-214278
UN VOYAGE TEMPOREL ENCHANTEUR, c’est ce que nous offre ici Cédric Klapisch («Un Air de famille», «L’Auberge espagnole», «Ce qui nous lie») dans un film plein d’harmonie et de délicatesse. On salue les prouesses de la caméra - avec de magnifiques fondus qui s’enchaînent d’une époque à l’autre – et l’on prend plaisir à se voir confirmer ce qu’intuitivement l’on savait déjà: la technique à elle seule ne saurait suffire à combler nos vies.
«TOUT VA TROP VITE AUJOURD’HUI» critiquait déjà un paysan à la fin du XIXe siècle en déplorant qu’on ne prenne plus le temps de dire «bonjour Madame, comment vont vos moutons?». Le réalisateur ne manque pas de tisser de judicieux parallèles entre cette époque et la nôtre. On opine, sourire aux lèvres. Mais revenons au commencement. C’est à l’occasion d’un projet d’agrandissement de zone commerciale que la trentaine de descendants d’Adèle Meunier est contactée. Ces cousins éloignés, appelés à se rencontrer pour la première fois, possèdent en commun une maison en Normandie qu’il s’agirait de vendre à un consortium européen. Quatre représentants de la famille sont dépêchés sur les lieux. Sébastien (Abraham Wapler), créateur de contenus digitaux, Céline (Jullia Piaton), ingénieure dans le domaine des transports, Abdel (Zinedine Soualem), professeur de français et Guy (Vincent Macaigne), agriculteur, le seul au départ à être curieux des autres. En pénétrant dans la maison d’Adèle (Suzanne Lindon), ils se prennent à imaginer la vie de leur ancêtre. A intervalles réguliers, on la retrouve partie en 1895 rechercher à Paris une mère qu’elle n’a pas connue.
TOUT A CHANGÉ entre les deux époques. La nature n’est plus la même (Montmartre était encore en pleine campagne), il n’y a plus d’analphabète en France (Adèle, elle, ne savait ni lire, ni écrire) et les avenues sont éclairées la nuit. On prend plus de photos en deux minutes que durant tout le XIXe siècle, dixit un des protagonistes. Notre rythme de vie s’est accéléré et la digitalisation a tout modernisé. Cela ne pose pas de problème à un publicitaire de changer la couleur d’un tableau de Monet juste parce qu’elle passe mieux avec la robe d’une top-modèle s’exhibant devant. Mais n’est-ce pas faire peu de cas de l’art? Le film met aussi en lumière combien les rapports entre les hommes et les femmes ont évolué. Il n’est plus question de suggérer à une jolie femme de se prostituer pour sortir de la misère. Ni d’imposer à une mère de mettre son enfant en pension. Adèle, au demeurant, est plus moderne que nombre de nos «influenceuses»: elle ne souhaite pas seulement être jolie.
MAIS IL Y A QUAND MÊME DES CONSTANTES. Car ce n’est pas parce que la technique a évolué qu’on va renoncer à ce qui nous attire et nous met en joie. Ainsi par exemple, Anatole, ami peintre d’Adèle, sait que la photographie existe: il ne veut pas pour autant arrêter la peinture. Longue vie au livre, concurrencé par le numérique, se prend-on à souhaiter. Il y a l’art et le plaisir que procurent les choses en apparence inutiles, il y a le temps qu’on passe avec les autres après avoir débranché son téléphone. En plongeant dans leur histoire familiale, Séb, Céline, Abdel et Guy font des découvertes sur eux-mêmes. Leur vie intérieure s’enrichit, leur moi profond reprend des forces, ce qui leur permet de mieux affirmer ensuite leur identité et leurs choix. Les racines, ça se cultive.
V.V. 27.06.25
Publié le 30 juin 2025. Complété le 20 juillet