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LES LIENS ARTIFICIELS
BIENVENUE AU PARADIS, CET ANTIMONDE!
Texte: Laurence Hainault Aggeler
Les liens artificiels de Nathan Devers
«Le roman de l’ascension virtuelle et de la chute réelle d’un mélancolique hypnotisé par les écrans. Un sujet compliqué sur lequel beaucoup se sont cassé les dents.» Le Figaro
«Le jeune (24 ans) et prometteur écrivain Nathan Devers est philosophe de formation, son nouveau roman flirte avec les rivages de la métaphysique». Marianne
Ce livre est l'un des livres qui a été discuté le mardi 25 octobre dans le cadre de notre manifestation: Les livres qu'on M: Le choix Goncourt de la Suisse. Lors de la discussion le livre a été présenté par Zoé Rochat.
PORTRAIT D'UN PAUMÉ
Julien vient de perdre l’amour de sa vie. Musicien raté, survivant chichement d'un «bullshit job» ubérisé, des cours particuliers le jour, il joue du piano le soir dans un bar. Ses difficultés laissent ses parents indifférents. L’artiste survit pauvre et délaissé dans un petit studio au centre d’une ville sans intérêt, Rungis. Autant dire que la morosité plane; le lecteur lui-même peut hésiter à continuer.
NE LACHEZ PAS, C'EST VOULU
Mais un beau matin, à bout de solitude, d'ennui et de manque de perspectives, Julien trouve un dérivatif à sa déprime: Heaven, ce monde parallèle est reproduit grandeur nature et à l'identique du nôtre par un génie du métavers, Adrien Sterner. Débute alors un feuilleton où la réalité perd de sa force quand le rêve tourne au délire. Les humains sont confrontés à leurs avatars et leurs destins tournent au cauchemar alors qu’ils sont supposés consommer du rêve.
UN ANTIMONDE NOMMÉ HEAVEN
Adrien Sterner est l’Homme-Dieu de ce paradis léthal réalisé par les génies de l’informatique et du marketing. Intelligent quoique pervers, prétentieux et pourri d’ambition, il dirige une entreprise gigantesque où les employés, esclaves abrutis de travail, semblent bizarrement satisfaits de leur sort. Ne leur fait-on pas miroiter leur toute-puissance informatique? Le créateur lui-même en perdra les pédales.
LES ÉPISODES SE SUCCÈDENT
Au milieu des autres addicts Julien vit «ensemble et séparé», connecté mais solitaire, hypnotisé par un mirage continu d'images affadissant un quotidien qui ne lui fait plus envie. Ses succès dûs à l’argent facile en crypto-monnaie n'ont aucune commune mesure avec ses déboires réels. Il finit par s'identifier à son reflet numérique: Julien devient son avatar Vangel. Le suspense s’installe. Les gagnants perdent. Les perdants gagnent. Julien se bat et l’écriture de ses poèmes apparaît comme une planche de salut. Va-t-il échapper aux concepteurs de l’antimonde? Ou les mettre en danger, car la poésie donne une réalité aux «liens artificiels» tissés dans le métavers. La littérature possèderait-elle une puissance salvatrice ?
LE JEU CONCERNE NOTRE DEVENIR
Soumis à nos ordinateurs, pourrions-nous finir par osciller comme Julien entre paresse et angoisse, devenir incapable de surmonter le moindre problème extérieur, et nous replier dans le fantastique, bref renoncer au monde, nous transformer en antihumains avant de sombrer dans le néant?
LHA -Publié le 31 octobre 2022
